La Guerre de la faille terminée au sortir de Magician: Master, Silverthorn pouvait faire mine d’ouvrir un nouveau chapitre de la pierre angulaire de l’œuvre de Raymond E. Feist. Cela n’est toutefois pas totalement vrai, ce troisième volet gardant un pied sur les deux mondes au travers d’une mythologie commune : si la part belle sera faite à Midkemia, avec pour figure de proue Arutha et sa recherche de l’aelebera, Kelewan passera d’ombre à réalité imposée par les évènements.
Ces derniers, en apparence « limités » par le classicisme d’une prophétie symptomatique du genre, vont s’avérer bien plus riches qu’escompté : d’abord parce que le « concours » inaugural des Faucons de la Nuit, sous l’égide ténébreuse de Murmandamus, va confiner au fantastique morbide, posant un antagonisme brouillant les cartes. Fort d’une pareille menace, Silverthorn va instaurer un suspense et des énigmes de bons alois, quand bien même l’identité de la force à l’œuvre ne fasse pas l’ombre d’un doute (Pug fera pourtant monter la mayonnaise, soit).
S’ensuivront ainsi deux quêtes aux antipodes mais inextricablement liées, conséquences ouvertes d’un enchaînement de hasards (Anita, victime collatérale), affrontements cauchemardesques et hypothèses fiévreuses : maudite prophétie. La quiétude et le bonheur promis arrachés au creux de ses mains, Arutha ne manquera pas de nous gagner à sa cause : à raison de plus que ce taquin de Jimmy, si sympathique dès son entrée en scène, va imprimer de sa patte impertinente un récit décidément mouvementé.
Bien exécuté, le parallèle entre les deux missions ne décevra pas, bien que l’acquisition du précieux antidote se fera sans trop d’anicroches. À contrario, le retour sur Kelewan sera autrement plus palpitant, tant celui-ci soulèvera et concrétisera des enjeux dépassant le seul cadre humain. Feist profitant de l’occasion pour développer encore plus son univers passé et présent, sa conclusion ouverte n’augurera ainsi que du bon pour le prochain et (dernier) volume du cycle, lui qui est décidément si efficace en dépit de ses ficelles aujourd’hui éculées.