Les dessous d'un cours de fac

Soyons clairs : j'ai toujours eu une relation amour-haine avec les manuels de sociologie. Trop souvent, ils oscillent entre le pavé indigeste et la compilation tiède de connaissances déjà mâchées mille fois. Oui, oui, je parle bien des "Que sais-je ?" rédigés sous une forte contrainte économique et temporelle, qui se contentent - par manque de temps voire d'inspiration ? - de compiler des laïus sur tel ou tel auteur classique, sans souci de produire une cohérence logique ni de faire preuve de clarté.

Mais alors, comment en suis-je arrivée, moi qui ai un goût pour la lecture de première main, à investir mon temps si précieux à un genre d'ouvrage que je répouvre ? Confrontée à la nécessité économique de combler mon petit salaire d'enseignante en situation de sous-emploi, je candidate à une offre pour assurer un cours magistral et un TD en sociologie de la culture. Un mail envoyé, bam je suis embauchée : c'est dire l'état de déliquescence de l'enseignement supérieur. À la fois bonne et mauvaise nouvelle, j'apprends en même temps que je ne dispose que de deux semaines pour préparer 12 séances de 3h à la fac. Le timing parfait pour un burn-out. Pour me rassurer, moi qui occupe déjà trois autres postes, je me dis "Dieu merci que j’ai lu Bourdieu et consorts dans ma petite vie protestante d'étudiante".

Mais bon, j’ai beau avoir quelques bases, je me rue quand même à Gibert Joseph en quête d’un bouquin qui pourrait sauver mes nerfs et m’épargner un trop grand nombre de nuits blanches. Après avoir tourné en rond dans le rayon sociologie assez peu garni, je tombe sur ce livre : Sociologie de la culture de Christine Détrez. Je tombe aussi sur un autre livre, Sociologie des pratiques culturelles, qui semble un cousin éloigné mais moins étoffé. Petit benchmark de rigueur : par rapport à l’offre disponible d’ouvrages en la matière, celui-ci est clairement le plus complet et le mieux construit.

Et c’est là que je me dis : pourquoi n’a-t-il pas croisé ma route plus tôt ?! Parce qu’il faut le dire, ce manuel réussit l’exploit de proposer une conciliation quasi miraculeuse entre esprit de synthèse et exhaustivité, tout en maintenant une clarté remarquable. Ce n’est pas une mince affaire dans un domaine où les concepts peuvent vite devenir un labyrinthe infernal (coucou La Distinction!).Alors certes, quelques bémols existent. Certains passages pourraient être plus explicites, notamment lorsqu’il s’agit de restituer les théories explicatives des pratiques culturelles – quelques efforts de pédagogie supplémentaires auraient été bienvenus. Et l’introduction aurait mérité d’être plus fluide et structurée, histoire d’offrir un panorama plus immédiat et limpide des contours de la sociologie de la culture.

Mais ne chipotons pas trop. Malgré tout, je recommande chaudement ce bouquin et je l’ai exploité jusqu’à la substantifique moelle pour produire mon cours. J’ai dû, certes, procéder à une réécriture, un réagencement et un enrichissement pour préciser les courants théoriques, illustrer les concepts et souligner les nuances entre différentes approches.

Bref, ce livre est une ressource précieuse pour qui veut naviguer intelligemment dans les méandres de la sociologie de la culture. MAIS ATTENTION, la véritable perle rare, c’est sans doute mon cours. Mais bon, quand même, j'ai l'honnêteté de reconnaître qu'il ne s'agit que d'une version améliorée d'un matériel de départ d'excellente qualité. Alors merci Christine!