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Amélie Nothomb est titulaire d'une charge dans le paysage littéraire français et à cette charge est attachée une prébende annuelle non négligeable. Dommage que cette prébende ne tombe cette année...
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le 21 mars 2020
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Amélie Nothomb, de qui on n’attend de toute façon plus grand chose depuis 15 ans au moins, s’est une fois de plus plantée, à tous les niveaux avec cette livrée 2019, qui avait quand même pour ambition de retracer les pensées du Christ lors de ses derniers jours.
Plantage littéraire d’abord. Bien sûr, Amélie Nothomb n’a jamais été Flaubert ; mais au moins dans ses premières années elle a pu montrer sa maîtrise du dialogue et de l’art de la répartie. Soif n’a même pas cette qualité, puisqu’il consiste, en l’essentiel, en un grand monologue alignant des idées courtes, généralement ni très intéressantes, ni développées et jamais ni prouvées, ni approfondies. On reste sur des poncifs du style “rien n’est plus important que le corps”, “la soif est ce qu’il y a de plus beau“ sans rien derrière pour appuyer, illustrer, suggérer, nuancer des affirmations péremptoires et totalement inintéressantes.
Ces avis tranchés, n’étant pas inscrits dans des dialogues, n’ont même pas la circonstance atténuante d’être l’expression de la subjectivité d’individus perfectibles. En les plaçant dans la bouche de Jésus lui-même et sur le mode du monologue, l’auteure place son roman, et les thèses développées sur le plan des idées - Soif est d’abord une tentative de roman à idées. Et c’est surtout sur ce plan que le plantage est total. On devine bien que des choses ont été tentées : les anachronismes, la subversion, les paradoxes... Mais tout ou presque est à côté de la plaque.
D’abord, pourquoi prendre un sujet - ici, le Christ - si on ne respecte pas au moins les principaux éléments de doctrine théologique ? La trinité est bien sûr un dogme postérieur à l’écriture des évangiles, mais la question de la nature de Jésus n’est pas du tout éclaircie ou justifiée, alors même qu’une partie des développements du roman s’appuie sur cette question. Ainsi Jésus, à de nombreuses reprises, s’oppose à Dieu... chose impossible par construction si on suppose la trinité ; mais si Jésus est un être différent de Dieu, pourquoi le roman ne développe pas plus cette problématique qui pourtant est centrale quand on a pour prétention de faire parler Jésus ? Au lieu de ça, A. Nothomb divague sur le côté magique de la multiplication des pains et de l’ivresse.
Quoi qu’on puisse penser de la religion et du christianisme en particulier (je ne suis pas croyant moi-même), personne ne peut imaginer une seconde q’une Messie durant la Passion ait un niveau de réflexion aussi creux et terre à terre.
Autre élément dérangeant : les anachronismes... Mais pourquoi invoquer des “kilomètres” dans un texte censé se dérouler pendant l’antiquité ? Pourquoi faire référence à des auteurs futurs (sur le mode “un auteur dira dans plusieurs siècles que...”), alors que le monde de l’époque possédait déjà quelques maîtres (c'est une litote...) ? Tous ces aspects agaçants semblent surtout un expédient pour cacher les lacunes de la culture antique de l’auteure, qui n’a visiblement pas pris le temps de faire beaucoup de recherches sur son sujet.
En résumé : un texte ni spécialement prenant, ni bien écrit, qui développe de multiples théories pas très ambitieuses sur un petit peu tout, mais qui n’apportent rien d’intéressant. Son principal avantage : il est court.
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Créée
le 21 nov. 2020
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