Article publié sur: https://lacabanedurenoul.wordpress.com/2023/08/24/critiquesois-jeune-et-tais-toi-par-salome-saque/
Bon, très honnêtement les essais politiques ou sociétaux me saoulent assez rapidement et à mon avis, un de plus ou de moins dans les Relay de France et de Navarre ne constitue pas une grosse différence. Le plus souvent on a droit à des fournées de pensée réchauffées au micro-onde par un ghost-writer quelconque d’un politique quelconque juste avant une élection (probablement quelconque, elle aussi). Les essais sociétaux, eux, sont généralement l’apanage de blaireaux de plateaux télé qui doivent bien entretenir pour eux et pour les autres l’illusion d’être des intellectuels et qui font donc comme tous les autres, et comme votre serviteur: ils écrivent.
Or, le premier truc qui m’a frappé en ayant fini le bouquin c’est l’évidence qu’il sort du cœur. Y’a de la raison aussi hein, calmez-vous, mais l’idée c’est que le livre n’est pas un moyen d’accéder à d’autres trucs, c’est l’objectif final. Alors attention c’est pas parce que c’est sincère que c’est bon, mais au moins c’est sincère.
On voit bien la volonté de montrer comment les jeunes pensent. Comment ils voient le monde, l’analysent, comment ils se voient évoluer dedans, leurs stratégies, etc. Il me semble que c’est fondamental pour comprendre pourquoi les vieux arrivent à autant agacer les jeunes avec un discours qui peut en gros se résumer à « si c’était nous à votre place ça se passerait vachement mieux ».
Le gros plus, selon moi : c’est écrit sans volonté de catégoriser péjorativement les générations précédentes. Le discours se concentre sur le ressenti des jeunes avec de nombreux témoignages de gens « normaux », de la vie de tous les jours. Si vous avez abandonné l’idée de faire comprendre ce ressenti à vos parents ou grands-parents, ça pourrait être un bon livre à leur offrir sans que ce soit pris comme une provocation.
Sur le fond, j’ai beaucoup aimé les chapitres spécifiques sur des thématiques jeunes, particulièrement sur l’anxiété croissante, le covid, le contexte économique, le rapport aux informations et à internet ou le manque de confiance dans l’avenir. Déjà je trouve qu’elle tape juste avec ses mots, je me suis retrouvé plusieurs fois ému devant un témoignage ou une phrase qui ressemble en tout points avec ce que je ressens. Et rien que ça, pour moi, ça vaut le coup de la lecture.
Ensuite parce que ben, si on a pas compris ça on a rien compris aux jeunes, mais aussi parce que ce sont des thèmes qui peuvent être partagés par n’importe quel jeune et donc qui me paraissent plus représentatifs de la jeunesse dans son ensemble.
Parce que bien sûr c’est un essai, donc subjectif, et c’est parfaitement assumé par l’autrice dans l’intro (comme toute personne raisonnable devrait le faire). On a donc des parties qui me semblent un poil moins « jeunesse » et un peu plus « jeunesse de gauche », typiquement sur les libertés individuelles, le rapport des jeunes à l’état, à la police, etc. Plutôt l’impression que sur ces thèmes on varie beaucoup selon le prisme politique.
Du coup, j’ai eu un petit sentiment de décalage vers la fin, une fois passé les thèmes plus « consensuels ». Une partie sur les votes de rupture est cependant consacrée à des témoignages de jeunes d’extrême-droite qui parlent de leur rapport à la sécurité, mais il aurait été intéressant d’avoir un petit plus pour compléter le tableau des angoisses existentielles des jeunes de France. Je ne crois pas que ce soit volontaire, puisqu’elle dit elle-même avoir eu du mal à trouver des jeunes de droite acceptant de lui parler. Ça donne simplement un petit feeling de quelque chose qui manque pour avoir l’image entière.
Honnêtement j’ai pas forcément appris grand-chose puisque, ben, jsuis JEUNE (wesh) et que c’est un thème qui m’intéresse. Mais j’ai pas l’impression que ce soit l’objectif du livre que d’apprendre des trucs aux gens. Le sous-titre du livre a beau être « réponse à ceux qui critiquent la jeunesse », le titre de la 4ème de couv, c’est « Changer de regard sur la jeunesse« , et c’est pas rien: ça implique que la jeunesse, très prompte à l’autocritique et au syndrome de l’imposteur, puisse aussi changer son regard sur elle-même. Donc je le recommanderai même (et surtout) pour les jeunes.
En plus, sur la forme franchement c’est tranquille. La lecture est aérée, les chapitres partent pas dans tous les sens, l’argumentation prend pas des plombes avec des milliards de précisions et de chiffres, pas besoin de prendre une semaine de congés pour en venir à bout !