Soit dit en passant est l'autobiographie du célèbre réalisateur Woody Allen. Qui aime ses films y trouvera de l'intérêt. Et même si on n'aime pas ses films, ce livre vaut la peine d'être lu tant il fait écho à des choses qui agitent notre société en 2020.
Paru chez Stock en juin 2020 dans une traduction française singeant assez bien le style de l'auteur. Mais la parution de ce livre n'a pas été de tout repos. Le propre fils de Woody Allen, le célèbre journaliste Ronan Farrow, l'homme par qui l'affaire Weinstein est arrivée, s'était insurgé contre l'éditeur de son père, Hachette. Car vous n'êtes pas sans savoir que Woody Allen est plus ou moins frappé d'ostracisme depuis l'émergence du mouvement #MeToo à cause d'accusations d'abus sexuels proférés par sa fille adoptive, Dylan Farrow.
Néanmoins, la Cancel culture n'aura pas le scalp d'Allan Konigsberg. Son livre est sorti, ses derniers films sont visibles, même si malheureusement, Un jour de Pluie à New York, son dernier opus, n'est jamais sorti au cinéma aux États-Unis.
Ainsi, plus on veut empêcher votre serviteur d'avoir accès à quelque chose, plus il sera enclin à foncer dedans. Dès que la polémique sur la sortie du livre est sortie, il était devenu nécessaire de l'acheter. Et c'est un achat salvateur car on y lit le récit implacable d'un innocent. Mais pas que.
Un style inimitable
En lisant ces pages, on ne peut pas douter un seul instant qu'elles aient été écrites par Woody Allen. son humour suinte à chaque passage. Son cynisme aussi. Son ton décalé et quelque peu désabusé. Mais ce qui étonne le plus, c'est qu'il s'agit d'un texte brut. Pas de chapitre, pas de titre, pas de plan. des digressions, des flashbacks, des bons en avant. Et pourtant, tout cela est constamment stimulant car on ne sait jamais à quoi s'attendre. Même si le texte est un bloc sans plan apparent, il révèle peu à peu sa cohérence en partant de façon logique du début de la vie de l'auteur, jusqu'à une période contemporaine.
La découverte d'un homme
Woody Allen, on le pratique au cinéma depuis plus de quarante ans et on a remarqué depuis lors qu'il avait tendance à faire sa propre psychanalyse sur la pellicule. Mais on ne pouvait pas se douter de l'ampleur des idées issues de sa vie personnelle qui se sont retrouvées dans ses longs-métrages. Et c'est assez amusant de repenser rétrospectivement à ses films après avoir lu ce livre. Notamment Annie Hall, ou tout simplement son attrait pour la magie. Mais lorsqu'on le pratique aussi en interview, on remarque qu'il répète des choses qu'il avaient déjà révélées auparavant. A savoir qu'il n'était pas un très bon élève. Qu'il est un fanatique de sport et qu'il a été très sportif dans sa jeunesse. Et enfin, qu'il a commencé à s'intéresser à la culture afin de se rapprocher des filles lorsqu'il était adolescent ! A l'opposée de l'image d'intellectuel qui est encore tellement associée à lui. Mais on découvre également énormément de choses moins connues, comme par exemple ses réflexions sur les humoristes américains d'aujourd'hui, qui ont tendance à jurer un peu trop à son goût. La partie sur ses origines juive, empreinte de mots en yiddish donne également une teinte colorée au personnage.
Les femmes de sa vie
Voici la partie la plus palpitante du livre. Il y relate en détails ses rencontres avec les différentes femmes de sa vie. Louise Lesser, Helaine sa première épouse, Diane Keaton, Mia Farrow et bien évidemment son épouse actuelle, Soon Yi. Qu'il est étrange d’imaginer Allen jeune en train de tomber les filles et pourtant, c'est plaisant à lire tant les anecdotes sont nombreuses et hilarantes.
Le cinéaste
La partie la plus intéressante pour le cinéphile est celle où il relate la conception de ses films. Les anecdotes de tournage, les comédiens rencontrés, ses confrères réalisateurs et surtout, sa propre appréciation sur son œuvre. Vous serez étonnés de voir lesquels de ses films il prise, et lesquels le déçoivent. Mais plus que son avis sur ses film, c'est son avis sur lui-même qui est passionnant, tant il passe du temps à se dénigrer, dire qu'il n'y connait rien et est très paresseux. Et pourtant, le résultat n'est pas si mauvais en général.
Le père face à #MeToo
C'est ici la partie la plus sérieuse du livre et l'épisode le plus douloureux de la vie de l'auteur. Il y livre sa version des événements, version rarement entendue dans les médias malheureusement. A la lecture de ce livre, on ressort totalement convaincu de son innocence et désolé de l'injustice qu'il a subie. Ne plus pouvoir voir sa fille, être renié par les comédiens qui ont travaillé avec lui, être (relativement) ostracisé. Mais il n'est pas inutile de répéter certaines choses afin que la vérité puisse enfin pénétrer certains crânes. Il a été blanchi par deux enquêtes qui ont conclu qu'il n'avait pas agressé sa fille Dylan. Des abus de Mia Farrow contre ses enfants son au contraire attestés. Mais que faire face à la vengeance d'une femme bafouée (car oui, épouser la fille adoptive de sa compagne est un acte qui peut susciter potentiellement beaucoup de problèmes). Mais que faire également contre une époque prompte à brûler ce qu'elle a adorée sur la base de simples allégations prouvées par rien ? Et pourtant, Woody Allen parvient à faire de l'humour avec. En effet, lui qui n'a jamais su écrire un bon drame, il s'est contenté de le vivre !
Conclusion
Soit dit en passant est un livre utile qui permettra de mieux connaitre Woody Allen. Il permettra également de rire et d'apprendre énormément de choses, notamment sur son travail de dramaturge au théâtre. C'est aussi l'occasion d'une prise de recul nécessaire sur notre époque, et sur la cancel culture qui a souvent tendance à prendre des airs de Maccarthysme.