Je n’attends pas que la poussière retombe pour écrire au sujet de Solénoïde. Il ne faut pas attendre. A peine achevé, et si on veut en dire quelque chose, il faut se lancer dans l’exercice impossible, dans l’exercice aberrant qui consiste à vouloir en dire quelque chose.
Je ne peux pas résumer ce livre, en faire une analyse critique éclairée ou même dresser un tableau générique des thèmes qu’il aborde et même son écriture, d’une certaine manière, est indescriptible. Solénoïde est un livre qui nous tombe des mains, à chaque page ou presque, parce qu’il place son lecteur dans un état de vertige quasi-permanent, dans un état de perte et qu’il n’est positivement pas possible de tenir un livre quand il n’est, à la fin, qu’une suite d’épiphanies remarquables, de paraboles étranges et obscurément signifiantes, de miracles.
Construit sur un schéma trochoïdal obsédant, il ressemble au foret spiralé qui permet de creuser de profonds puits. De profondes entailles dans les multiples membranes du réel permettent, à l’écriture de Mircea Cărtărescu, de fouiller jusqu’au cauchemar. Dans des ambiances lovecraftiennes, les images embrassent les images, comme autant de colliers de perles mélangés dans une boîte à bijoux écaillées et fermées à clef.
Si, au début du livre, le sentiment que sera nécessaire une exégèse pour comprendre, cette impression se disloque peu à peu comme s’évapore le désir de résoudre l’énigme. Nous nous retrouvons, à la fin, dans la position de l’enfant qui, observant le rubik's cube poussiéreux que lui a offert sa tante, n’essaie plus, après plusieurs essais infructueux, de le résoudre, mais l’admire simplement, dans son improbable complexité et dans sa nudité monstrueuse.