Cédric Sapin-Defour m'était jusqu'alors un auteur parfaitement inconnu, et pour cause, puisque prof d'éducation physique, il a consacré l'essentiel de ses ouvrages à l'alpinisme.
Ce qui n'aurait pu être qu'une énième anecdote littéraire sur les relations qui lient l'humain à son meilleur ami à quatre pates, est en réalité un contre-pied parfait à cette quête de verticalité qui anime les arpenteurs des sommets. Quand justement le chien, dans tous les aspects du quotidien, amène à plutôt tout horizontaliser.
De la rencontre (ou c'est finalement sans surprises le chien qui choisit son humain plus que le contraire) au sein d'un pittoresque élevage suisse de bouviers bernois, en passant par les visites chez les vétos, les ballades en montagnes, au bords des lacs, où on ne sait plus bien, au fond, qui promène qui, l'auteur témoigne de cette fusion de tous les instants avec son compagnon. Mais en profite aussi pour en filigrane, dire bien d'autres choses, sur le temps qui passe et le sens de la vie.
L'auteur illustre parfaitement comment être accompagné d'un chien déconstruit bien des représentations. Sur qui éduque qui, d'abord, sur comment il faut réapprendre chaque jour à se laisser traverser par le vivant et ses petits rien que la monotonie citadine a pris en otage. Sur la place que la bête prend, qu'elle laissera, et celle qui manquera cruellement puisqu'elle vieillit bien plus vite que nous.
Il dépeint un peu plus de treize ans de vie partagée, dans une déconcertante fluidité, où la fusion qui lie l'animal à son compagnon (et l'inverse) n'est jamais béate, mais maculée d'une touchante poésie tout sauf vaine. Le rythme est parfait, aidé par une ponctuation érudite, telle un fleuve pas si tranquille que certains appellent le bonheur simple, où les emmerdes sont en vacances, apprennent au moins pour un temps à se taire, et où chaque jour passé ensemble est un renouveau à entretenir et à chérir jusqu'au bout. Jusque dans ses moments plus flottants, l'auteur substitue la monotonie hypnotique et revigorante à l'ennui cordial si souvent rencontré.
Grand livre, fédérateur, qui a étrangement reçu les louanges de toutes les presses, et qui ne devrait ravir pas uniquement les heureux compagnons de chiens.