Quand ils se rencontrent, Tatiana a quatorze ans, Eugène en a dix-sept. Elle a grandi bercée par des romans d'amour qu'elle rêve de rejouer, il est habité par un spleen baudelairien et se prend pour un adulte. Elle l'idéalise, l'aime, le lui déclare, il la rejette pour une raison futile. Et ce n'est bientôt plus un roman d'amour qui se joue, mais une véritable tragédie grecque, quand le meilleur ami d'Eugène, Lensky, perdu pour l'amour de la sœur de Tatiana, la belle Olga, se tue par accident, séparant les deux âmes romantiques une première fois.
Dix ans plus tard, Eugène croise Tatiana par hasard dans le métro. Il tombe amoureux d'elle au (presque) premier regard, et en fait rapidement une obsession. Rongé de regrets, il fait tout pour séduire la belle, qui s'y refuse, évidemment. C'est désormais elle l'adulte, et lui qui se conduit comme un enfant.
Ce texte est un hymne à l'amour et à la poésie. Tatiana est une amoureuse de l'amour plus que de son objet. Prête à tout lui sacrifier quand elle n'est encore qu'une enfant, elle devient une héroïne moderne en s'y refusant finalement, au nom d'elle-même et de ses projets, de ses envies, quand Eugène, lui, n'a pas su échapper à son destin ; il vie une vie monotone, enfermé dans la routine du quotidien qu'il s'était juré de ne jamais s'infliger adolescent.
Songe à la douceur, c'est l'éternel drame amoureux de ceux qui ne parviennent jamais à s'aimer autrement qu'en perpétuel décalage. Clémentine Beauvais n'invente rien, mais elle réinvente à la perfection, en nous proposant cette relecture d'Eugène Onéguine, dans une version modernisée où les déclarations d'amour se font par messages électroniques. Fidèle à l'esprit du chef-d'oeuvre d'origine, elle écrit en vers, et ponctue parfois le texte d'exercices de styles qui ne font qu'ajouter à sa beauté sans jamais en entraver la fluidité.