Shakespeare en vers et contre tout
Les Sonnets de Shakespeare, c'est lourd et c'est du lourd à la fois.
Lourd sur le style - n'oublions pas que Shakespeare est de l'époque baroque, ses Sonnets datent de 1609. Et la poésie baroque, ça se lit pas comme du Hugo. Il faut s'y reprendre à plusieurs fois, prendre le temps de digérer les formules, de comprendre chaque mot, de saisir chaque image. Autant dire qu'il faut être motivé. Mais ça vaut le coup.
Parce que sur le fond, c'est vraiment du lourd. On retrouve le Shakespeare d'un Macbeth ou d'un Hamlet, celui qui vous donne l'impression de découvrir la Vérité (avec un grand V) au travers d'une figure de style dont la puissance de feu vous assomme à coup sûr. Les 154 sonnets traitent de l'amour sous toutes ses formes, et donc de la vie elle-même, de ses grandeurs et de ses faiblesses, comme seul le barde sait le faire.
L'identité réelle de Shakespeare a beaucoup fait débat et cette oeuvre, non seulement n'échappe pas à la règle, mais a peut-être suscité, pour diverses raisons, plus de doutes encore que les autres quant à l'identité de celui qui les a écrit. Mais en lisant ces vers, j'ai l'intime conviction que l'auteur de ces sonnets est le même que celui des meilleures tragédies signées du nom de William Shakespeare.
Pour rester dans la polémique, la prétendue bisexualité (voire homosexualité) du dramaturge, qui a aussi fait couler beaucoup d'encre, vient d'ici. Car si certains sonnets d'amour sont adressés à une femme, la plupart le sont à un homme. Bref, un mystère de plus qui enrobe ces vers pour leur donner une saveur bien particulière.
Pour terminer, avis à ceux qui comptent se lancer dans l'aventure, je ne peux que recommander une édition bilingue, l'anglais seul étant trop difficile à comprendre et le français seul étant trop léger et évidemment moins beau (perte du rythme et de la rime obligent). L'intérêt étant de confronter les deux pour profiter de la richesse et de la profondeur du vers shakespearien. A méditer lentement donc, je suis personnellement encore loin d'avoir fini l'ouvrage.
Et si vous ne souhaitez pas les lire dans l'ordre et ne savez pas par lequel commencer, tentez le 18 (le plus connu), ou éventuellement le 64 (mon préféré). Ou un autre.