La vie des images
Sortir du noir est une lettre (ouverte, donc) d’une cinquantaine de pages adressée à László Nemes à propos du Fils de Saul. Je n’ai pas (encore) vu le film, j’ai aimé le texte : c’est peut-être à...
Par
le 20 déc. 2017
1 j'aime
Sortir du noir est une lettre (ouverte, donc) d’une cinquantaine de pages adressée à László Nemes à propos du Fils de Saul. Je n’ai pas (encore) vu le film, j’ai aimé le texte : c’est peut-être à cela qu’on reconnaît la bonne critique d’art.
Bien sûr, consacré avant tout au Fils de Saul, l’essai porte sur le film un jugement intellectuellement honnête, de ceux qui mettent l’œuvre en lumière avant de faire briller l’exégète – c’est-à-dire qu’il s’appuie sur des procédés artistiques pour en proposer des interprétations qui en dégagent le sens. Ainsi, par exemple, « Les mouvements de caméra, dans Le Fils de Saul, semblent conçus pour suivre la peur dans sa course, excluant du coup toute esthétique du tableau, du plan fixe. […] Le film se contente – mais c’est considérable – d’accompagner le travail, la peur et la folle décision d’un seul personnage » (p. 31).
Mieux : sous couvert d’évoquer un film singulier, le texte formule en quelques mots clairs l’enjeu de toute une catégorie d’œuvres – ici, de toute œuvre consacrée à la Shoah : « la question est phénoménologique avant même que d’avoir à s’affirmer en tant que choix esthétique : qui pourrait prétendre, à hauteur d’homme et à distance d’homme, regarder un camp d’extermination en plan large, un plan où tout serait net ? » (p. 28). On est loin de la posture consistant – je ne citerai personne – à délivrer quelques bribes plus ou moins creuses ou plus ou moins absconses, c’est selon, tout en feignant une profondeur indignée ou un emportement tout intellectuel.
Sortir du noir s’appuie sur les œuvres classiques pour en éclairer une qui serait amenée à le devenir. Lorsque Georges Didi-Huberman affirme, par exemple, que le film se rattache à « l’école de Franz Kafka chez qui tout bifurque toujours, mais toujours pour arriver au pire » (p. 44), cela donne envie – pour confirmer ou infirmer – de (re)lire Kafka aussi bien que de (re)voir Le Fils de Saul. Que l’un soit un écrivain et l’autre un film ne change rien.
Il me reste une appréhension : non que Le Fils de Saul soit moins bon que ce que sa critique laisse entendre, mais que le film ne soit pas à la hauteur de celle-ci.
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.
Créée
le 20 déc. 2017
Critique lue 127 fois
1 j'aime
D'autres avis sur Sortir du noir
Sortir du noir est une lettre (ouverte, donc) d’une cinquantaine de pages adressée à László Nemes à propos du Fils de Saul. Je n’ai pas (encore) vu le film, j’ai aimé le texte : c’est peut-être à...
Par
le 20 déc. 2017
1 j'aime
On m'avait conseillé de lire ce minuscule ouvrage de GDH après le visionnage du film Le Fils de Saul de Làszló Nemes. À l'origine, je n'avais pas très envie, connaissant le style compliqué du...
Par
le 28 déc. 2015
1 j'aime
Du même critique
Pratiquant la sociologie du travail sauvage, je distingue boulots de merde et boulots de connard. J’ai tâché de mener ma jeunesse de façon à éviter les uns et les autres. J’applique l’expression...
Par
le 1 oct. 2017
30 j'aime
8
Pour ceux qui ne se seraient pas encore dit que les films et les albums de Riad Sattouf déclinent une seule et même œuvre sous différentes formes, ce premier volume du Jeune Acteur fait le lien de...
Par
le 12 nov. 2021
21 j'aime
Ce livre a ruiné l’image que je me faisais de son auteur. Sur la foi des gionophiles – voire gionolâtres – que j’avais précédemment rencontrées, je m’attendais à lire une sorte d’ode à la terre de...
Par
le 4 avr. 2018
20 j'aime