«Encore en maillot de bain, debout au-dessus des vagues, tenant contre moi mes affaires trempées, je m’abandonne au ruissellement. L’eau du ciel glisse sur mon front, mes yeux, se sale du sel de ma peau. Et moi qui ai toujours vu en ma mère une femme indifférente à toute notion de transmission et en moi-même un être surgi d’aucune sagesse précédente, il m’apparaît soudain qu’à son insu elle m’a transmis l’essentiel : l’énergie d’un sillage qui s’inscrit dans l’instant, la beauté d’un chemin d’oubli, et que, si j’avais quelque chose à célébrer à son sujet, quelque chose à tenter de retracer, c’était paradoxalement, la figure d’une femme oublieuse. Insoucieuse, non ; mais oublieuse, oui. Etait-ce de sa part une force ou une faiblesse ? Les deux sans doute, et tandis que la pluie se déverse par trombes et me baigne en surabondance, tandis que mes affaires de plage sont prêtes à partir à vau-l’eau, emportées par une de ces ondes de crue, j’ai envie d’être déjà rentrée, déjà prise par une musique d’écriture, continuant de contempler le rideau de pluie et, à travers lui, bien au-delà, ma mère en train de nager, seule, inaccessible, touche minuscule dans l’immensité bleue, point quasi imperceptible, imperceptible en vérité, sauf au regard de ma mémoire.»


Roman aussi simple en apparence que somptueux, cette dixième œuvre de fiction de la romancière et essayiste Chantal Thomas paru en août 2017 aux éditions du Seuil forme des variations autour des souvenirs de la mère de l’écrivaine, une femme énigmatique qui a tant aimé nager, nageant «partout, à des heures changeantes, avec une obstination, une opiniâtreté qu’elle ne manifestait pour aucune autre activité.»


La suite sur le blog Charybde27 (de la librairie Charybde) ici :
https://charybde2.wordpress.com/2017/11/18/note-de-lecture-souvenirs-de-la-maree-basse-chantal-thomas/

MarianneL
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Mes plus belles lectures en 2017

Créée

le 18 nov. 2017

Critique lue 364 fois

2 j'aime

MarianneL

Écrit par

Critique lue 364 fois

2

D'autres avis sur Souvenirs de la marée basse

Souvenirs de la marée basse
Philou33
6

Que d'eau ! Que d'eau !...

Je suis viscéralement réfractaire à toute presse people. Au point que s’en est devenu un sujet de raillerie de la part de mes proches. Je ne parviens pas à m’intéresser à la vie privée des «...

le 9 déc. 2017

1 j'aime

Souvenirs de la marée basse
ariag97
8

Une enfance en été

"L'enfant veut une vague salée, le sable". Ces mots de Colette, Chantal Thomas les a choisis en guise d'épigraphe à ses Souvenirs de la marée basse. Ils rappellent la description amoureuse dressée...

le 23 déc. 2017

Souvenirs de la marée basse
lireaulit
9

Critique de Souvenirs de la marée basse par lireaulit

C'était fin août, à la radio ou à la télé, je ne sais plus, à l'occasion de la rentrée littéraire, une anecdote à propos de ce livre a retenu toute mon attention : la mère de Chantal Thomas,...

le 11 nov. 2017

2

Du même critique

La Culture du narcissisme
MarianneL
8

Critique de La Culture du narcissisme par MarianneL

Publié initialement en 1979, cet essai passionnant de Christopher Lasch n’est pas du tout une analyse de plus de l’égocentrisme ou de l’égoïsme, mais une étude de la façon dont l’évolution de la...

le 29 déc. 2013

36 j'aime

4

La Fin de l'homme rouge
MarianneL
9

Illusions et désenchantement : L'exil intérieur des Russes après la chute de l'Union Soviétique.

«Quand Gorbatchev est arrivé au pouvoir, nous étions tous fous de joie. On vivait dans des rêves, des illusions. On vidait nos cœurs dans nos cuisines. On voulait une nouvelle Russie… Au bout de...

le 7 déc. 2013

35 j'aime

Culture de masse ou culture populaire ?
MarianneL
8

Un essai court et nécessaire d’un observateur particulièrement lucide des évolutions du capitalisme

«Aujourd’hui il ne suffit plus de transformer le monde ; avant tout il faut le préserver. Ensuite, nous pourrons le transformer, beaucoup, et même d’une façon révolutionnaire. Mais avant tout, nous...

le 24 mai 2013

32 j'aime

4