Que d'eau ! Que d'eau !...
Je suis viscéralement réfractaire à toute presse people. Au point que s’en est devenu un sujet de raillerie de la part de mes proches. Je ne parviens pas à m’intéresser à la vie privée des «...
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le 9 déc. 2017
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Je suis viscéralement réfractaire à toute presse people. Au point que s’en est devenu un sujet de raillerie de la part de mes proches. Je ne parviens pas à m’intéresser à la vie privée des « célébrités » ! En corollaire je ne suis pas particulièrement attiré par les autobiographies. Je préfère les œuvres de fiction qui permettent à l’auteur de donner libre cours à son imagination. Je suis encore moins tenté par les recueils de souvenirs, prétextes à nostalgie, regrets, soupirs et lamentations… c’était tellement bien avant… Bien sûr le temps passe et les ans pèsent de plus en plus sur les épaules laissant présager l’approche du Grand Saut ! Alors certains, voulant s’accrocher à la postérité nous abreuvent, quasi annuellement, de livres de « Mémoires » ou de « Souvenirs » (en tous genres) qui sont autant de répétitions qui finiraient par fatiguer si leur notoriété (passée) n’imposait l’indulgence. Ils font pathétiquement penser à ces artistes sur le retour qui multiplient, à n’en plus finir, les galas d’adieu…
Ce n’est évidemment pas le cas ici.
Mais alors pourquoi ai-je téléchargé ce livre pour le lire ? Je confesse que Chantal Thomas… je ne connaissais pas. Et quand j’en ai parlé autour de moi, tout le monde m’a cité Chantal Thomass et ses dessous affriolants ! Alors pourquoi ?... Uniquement parce que mon éclaireur-préféré-en-qui-j’ai-confiance m’a dit qu’elle le lisait, puis qu’elle l’a aimé.
Alors j’ai voulu voir ! Et j’ai vu.
Je n’ai pas changé d’avis sur les autobiographies et les recueils de souvenirs. Je considère toujours qu’ils restent toujours du domaine personnel, strictement privé, et que je n’ai pas à m’insérer dans la vie d’autrui. Mais ce qui est plaisant, ici, c’est la façon dont les souvenirs sont rapportés. Quelle plume légère et alerte, quel humour ! Quel plaisir de lecture !
Une des pièces maitresses est l’évocation de la baignade de Jackie (la mère de l’auteur) jeune fille, dans le Grand Canal du parc du château de Versailles, probablement dans les années trente, à une époque où le château n’était peuplé que par les fantômes des courtisans, favorites et autres habitués de la cour : « les tremblantes silhouettes, l’informe assemblée de momies effarées soudain réunies et qui, à différents étages du château se pressent aux fenêtres, sidérées par l’extraordinaire du spectacle : une jeune fille sur une bicyclette, une jeune fille qui se déshabille rapidement, en plein air, et plonge. Une jeune fille qui nage ! Bien sûr, certain ont déjà vu quelqu’un nager et peut-être savent nager. Des hommes. Pour les femmes, c’est évidemment exclu […] Nager ! L’idée seule ! Quelle folie ! […] elles donneraient tout, elles qui n’ont plus rien à donner, pour être à la place de la baigneuse […] elles songent et se rappellent le temps vécu, qu’elles ne furent rien d’autre que les supports de leurs parures ».
Ou lorsque l’auteur se remémore le secret des châteaux de sable menacés par la marée, seul connu des enfants : « Vous auriez dû le construire dans le sable sec, là où la marée ne monte pas, pontifie un père qui ignore l’attrait des causes perdues et l’empire des ruines. C’est parce que le château s’écroule, c’est dans l’intervalle où, quoique délabré, il garde des traces de sa gloire passée, que soudain il s’anime et devient habité. Il est traversé de voix, on entend des appels au secours, des histoires se nouent… »
La mère comme la fille ont une passion commune, l’eau, la baignade, la natation : « L’eau, à peine refroidie par la pluie d’hier soir, est toujours aussi bonne. La douceur de sa température rend plus délicieusement enveloppante chaque brasse, laquelle exige la suivante, et ainsi de suite. Ce n’est jamais assez. […] Je ressens ce désir montant qui ouvre la baigneuse à une durée infinie. Je nage, je passe de la brasse à la brasse coulée, change pour l’indienne, son art de la diagonale, ce plaisir à fendre l’eau en biais… »
Mais alors, si c’est si agréable à lire pourquoi ne lui attribuer qu’une note moyenne ? Parce que quelque chose m’empêche d’aller au-delà ! Ni en deçà, d’ailleurs ! C’est plutôt bien écrit, c’est même souvent jubilatoire. Au départ, le personnage central c’est Chantal, l’auteur, la fille, puis chemin faisant c’est Jackie, la mère, qui prend toute la place et que Chantal essaie d’apprivoiser et de comprendre, mais le chemin est difficile car l’une est insaisissable l’autre doit murir pour se hisser à son niveau.
Cette approche de personnalités serait passionnante si elles n’étaient si humaines et réelles, si écorchées et insatisfaites. Enfin, tout s’éclaire quand, vers la fin, Chantal découvre et comprend soudain sa mère en l’observant à son insu par une fenêtre de bus, à Nice. J’ai compris alors, quant à moi, ce qui m’empêche d’adhérer pleinement au récit, c’est ce que je reproche à ce type de livre : l’auteur l’a écrit pour elle, il est sa thérapie, il n’est pas écrit pour le lecteur qui se retrouve dans la peau d’un voyeur témoin d’un conflit mère-fille dont il est étranger. Et je me retrouve au point de départ avec un ouvrage trop personnel qui me gène plus qu’il ne m’interpelle.
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le 9 déc. 2017
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