La suite des Illusions Perdues, cet ouvrage de Balzac vient clore le cycle de Vautrin. C’est la conclusion tragique des tentatives de Lucien de Rubempré de s’élever dans les hautes sphères de la capitale, la conséquence mortelle du pacte diabolique qu’il avait conclu, en fin du volume précédent, avec Carlos Herrera. Ce pacte avait quelque chose de fantastique, qu’on retrouve dès le début de Splendeurs et misères des courtisanes, qui baigne dans une atmosphère mêlant l’occulte des actions de l’abbé, qui semble, tissant sa toile dans les ténèbres, tout savoir, tout influencer, et la vengeance, celle de Lucien, sur ce milieu Parisien qui s’est joué de lui, et l’a exclu. Assez, vite, de ces deux thèmes, l’un en vient à prendre le pas sur l’autre. L’auteur insiste moins sur le côté mondain de l’ascension de Lucien que sur ses dessous, l’arrière scène puante d’une société pourrie de corruption d’une extrémité à l’autre, avec cette haute aristocratie/bourgeoisie qui tient son élévation, et son maintien, des manœuvres sales d’un sous-prolétariat profitant des miettes de débauche qui lui passent sous la main. Balzac en vient ainsi rapidement à peindre ces intrigues souterraines à travers la guerre que se mènent les réseaux de Herrera, issus de la société de criminels qu’il dirige, et la contre police politique de l’état, dont la probité citoyenne des membres n’est guère plus reluisante : cet ouvrage , c’est aussi celui de la porosité entre les milieux criminels et l’État.
Cette guerre se suit avec plaisir, malgré les longueurs provoquées par les multiples retournements de situation. Des longueurs qui d’ailleurs m’ont fait lâcher l’œuvre à plusieurs reprise, car Splendeurs et misères des courtisanes est un long roman, à cheval qu’il est sur les deux thèmes exposés plus haut (en plus de la peinture du milieu judiciaire, entre idéal et corruption). De plus, je voudrais aborder le personnage de la fille de Peyrade, amoureuse de Lucien mais quasi inexploitée, cet amour restant sans conséquence. Cela me laisse penser que l’auteur ne savait, peut-être, pas toujours où il allait, dès le départ.
En conclusion, Splendeurs et misères des courtisanes est un ouvrage long, trop long, je trouve, mais il en ressort une atmosphère attirante, presque passionnante, et inédite, d’occulte, de lutte de police secrète. Sans parler de l’aspect tragique de l’œuvre, et de ses personnages (les liens de loyauté, qui pousse chacun à se venger, introduisent une dimension radicale, violente, émouvante) dans le récit, points que je n’ai pas détaillés, mais qui sont de grands points forts de l’ouvrage.