"Splendeur et misères des courtisanes" est un épais roman de Balzac qui est le prolongement de "Illusions Perdues". Le prolongement et non la suite si je peux me permettre cette subtilité.
En effet, chronologiquement l'action de "Splendeur et Misères des Courtisanes" est postérieure à celle de "Illusions Perdues" mais la tonalité et la direction prise par Balzac y sont notablement différentes.
D'abord, comme "Illusions perdues", ce roman est assez central dans l'œuvre de Balzac. Le roman y fait se croiser plusieurs personnages qui sont apparus (ou apparaîtront) dans le "père Goriot", "la maison Nucingen" , "Illusions Perdues", "Gobseck", "une ténébreuse affaire", etc ...
On retrouve dans ce roman Lucien de Rubempré qu'on avait laissé au bord du suicide rattrapé de justesse par un certain abbé Herrera qui prenant la mesure de la "veulerie" de Rubempré en a fait sa marionnette pour d'obscurs desseins touchant à la politique et au pouvoir.
Mais ce roman fait surtout apparaitre un nouveau personnage, Esther Gobseck, une ancienne courtisane que l'abbé Herrera manipule et en fait la maîtresse de Lucien de Rubembré. Dans ce roman, les destins de Lucien et Esther sont identiques et n'existent que par la volonté d'un homme.
Comme Lucien, Esther, qui est une courtisane - d'ascendance orientale - a pris conscience de son déshonneur et a tenté de se suicider avant d'être reprise en main par l'abbé Carlos Herrera.
C'est un peu comme si ces deux êtres qui étaient perdus, avaient acquis une deuxième chance de vivre. Et de fait, les deux héros jouissent d'une parenthèse heureuse qui leur est - généreusement - octroyée par un être qu'on peut comparer à une sorte de démon car toutes ses actions sont dans un registre diabolique. On est dans un schéma follement romantique. On est aussi dans un schéma "Faustien".
Sans vouloir spoiler, ce n'est qu'une heureuse parenthèse avant de passer à des choses plus sérieuses où Lucien sera poussé dans les bras de la fille d'un duc et Esther devra devenir la maîtresse du banquier Nucingen. L'un et l'autre sombrant encore plus bas qu'ils n'étaient. De sorte à ce que l'abbé Herrera puisse goûter au pouvoir d'une part et à l'argent d'autre part.
Ce roman est comme toujours une impressionnante et rigoureuse peinture de la société pendant la Restauration où Balzac se délecte des vices et vertus de ses personnages à tous les étages. En effet, le sordide ou le beau ne sont pas réservés à une catégorie de gens ou à une classe mais bien répartis de la lie de la société jusqu'au plus haut niveau.
En fait, le personnage central de ce roman, le fil rouge, c'est ce fameux Abbé Carlos Herrera qu'on va apprendre à bien connaître. Il s'est eu appelé Vautrin dans certains milieux et d'autres temps, Jacques Collin et qui est aussi surnommé dans d'autres milieux encore moins recommandables "Trompe-la -mort". Pour se faire aider dans ses manœuvres tortueuses relatives à ses deux victimes, Lucien et Esther, il utilise de terribles bonnes femmes, Asie et Europe, qui n'ont guère de scrupules et qui sont acquises au faux abbé
Balzac s'inspire d'ailleurs d'un personnage bien réel, Vidocq, qui finira dans la police après avoir bien manœuvré dans bien des milieux et cloaques.
"Splendeurs et Misères des Courtisanes" est un roman touffu où les rebondissements sont nombreux. Où les personnages sont passionnants et attachants. Il pourrait s'apparenter, en langage moderne, à un roman policier noir, très noir car Balzac ne nous épargne aucune épreuve de la noirceur de certains personnages ou de certaines situations, policiers et politiques compris, à la destruction d'autres personnages.
Roman touffu et complexe mais tout-à-fait passionnant.