On n'a jamais oublié Giancarlo de Cataldo, le magistrat italien qui connut son heure de gloire avec son Romanzo criminale, brillamment adapté au cinéma.
Le voici aidé du journaliste Carlo Bonini pour un nouveau gros coup : Suburra, évidemment déjà adapté au cinéma !
Et traduit par Serge Quadruppani que demandez de plus ?
Nous voici au sud, à Rome, au jour d'aujourd'hui. Mais la météo est toujours aussi pourrie. Pire, peut-être.
[...] Suburra, l'antique quartier des lupanars chanté par Pétrone.
Quelques pages suffisent à Bonini et de Cataldo pour nous accrocher, nous aimanter : on ne décrochera plus de ce gros pavé de près de 500 pages.
Annoncé comme touffu, complexe, le bouquin avait de quoi nous effrayer comme s'il s'agissait de décrypter l'organigramme des mafias italiennes. Ça commence même par la liste des nombreux personnages !
Mais c'était sans compter sur le talent des deux auteurs : patients et pédagogues juste ce qu'il faut pour ne jamais perdre le lecteur sans jamais le prendre pour un demeuré. le pavé s'avère très digeste et se dévore à la fois comme un reportage passionnant et comme un polar ronflant. Brillant.
Alors oui, nous voici plongés aujourd'hui dans les arcanes de la municipalité romaine, les dessous pas très chics, les couloirs mafieux, les arrière-cours de la corruption ...
Une peinture (un film !) sordide des dessous de notre société. Oui, bien entendu on se dit pendant quelques chapitres que ça se passe à Rome, dans ce pays italien, que c'est la mafia et tout et tout ...
Mais le livre est long et ce fragile rempart ne résiste pas bien longtemps : Bonini et de Cataldo nous forcent à ouvrir les yeux.
Heureusement, il y a de l'humour, parfois féroce, souvent ironique, un second degré d'auto-dérision comme cette fameuse liste de personnages qui ouvre le bouquin.
Alors oui, on y revient plusieurs fois à cette liste, non pas pour savoir qui est qui, nul besoin on l'a dit, mais bien pour savourer les épithètes dont ces personnages ont été affublés !
Il y a du règlement de compte dans l'air et quand on dit compte ... c'est qu'il y a beaucoup beaucoup, énormément d'argent à blanchir et à gagner. de quoi exciter les convoitises des plus honnêtes.
Politique (la pègre a fleuri dans le lit du fascisme), corruption ... difficile de délimiter la frontière entre le bien et le mal, le bon et le truand ...
[...] La vérité, c'est qu'ici, ce sont les méchants qui pensent aux plus humbles. Ils donnent du travail et un brin d'espérance à ceux qui n'en ont pas.
Une lecture coup de poing et qui déménage. Un début d'année en fanfare même si c'est celle qui accompagne le corbillard bling-bling d'un mafieux sur le bord de mer d'Ostie.
Juste un (tout petit) regret pour les flics pas trop ripoux, Marco et Alba, les gentils (il en faut bien pour garder le lecteur en piste !), qui paraissent un peu falots à côté de la galerie dantesque de cette cour des miracles qu'était l'antique Subure et qu'est la Rome d'aujourd'hui.
Pour celles et ceux qui aiment qu'on les réveille.