Sans doute le roman le plus humain que j'ai lu sur la Seconde Guerre Mondiale, d'autant plus poignant lorsqu'on remet en perspective les conditions de sa rédaction, puis de son édition tardive 62 ans plus tard, couronnée par le Prix Renaudot 2004.
Il y a peu de destins qui m'émeuvent autant que celui d'Irène Némirovsky. Prenez seulement deux minutes pour consulter sa fiche Wikipedia, et vous comprendrez à quel point l'on peut être ému à la lecture des "Feux de l'automne" et de "Suite française", ce dernier restant inachevé car conçu comme une série dont seuls les deux premiers tomes ont eu le temps d'être écrits.
C'est pourquoi en ouvrant "Suite française", vous découvrez deux romans pour le prix d'un : "Tempête en juin" et "Dolce", ce dernier ayant récemment fait l'objet d'une adaptation cinématographique avec Michelle Williams, Matthias Schoenaerts et Kristin Scott Thomas en têtes d'affiche. Mais vous limiter au film serait une grave erreur tant le roman est davantage dense. D'autant que "Tempête en juin" est un riche témoignage, quasi journalistique, de la débâcle ayant suivi l'entrée de l'armée allemande dans Paris, et entraîné un exode sans précédent de la population civile française. D'ailleurs, hasard ou hommage discret, au moment où l'on redécouvrait "Suite française" en librairie sortait le film "Bon voyage" de Jean-Paul Rappeneau mettant en scène un scénario proche de "Tempête en juin".
"Suite française" est peut-être le cinquième ou le sixième roman d'Irène Némirovsky que je lis et au-delà de sa parfaite maîtrise de la langue (elle maîtrisait sept langues et écrivait en français) et de son talent de narratrice, je reste surtout touchée par la grande humanité qui transparaît derrière chacun de ses personnages, qu'il occupe le premier plan ou non.
Avec quel oeil critique et ironique l'auteur scrute-t-elle les événements qui l'entourent ? Réfugiée avec son mari et ses deux filles dans un petit village du Morvan, en Bourgogne, vivant journellement dans l'insécurité et le manque de liberté, Irène relate ce qu'elle a elle-même vécu, et ce qu'elle vivra jusqu'à son arrestation en 1942 et sa déportation à Auschwitz où elle sera assassinée parmi tant d'autres.
Ce roman est un coup de cœur ; et s'il y a bien un auteur que je voudrais voir pleinement reconnu et lu à travers les générations, c'est bien elle, la courageuse et talentueuse Irène Némirovsky, morte avant quarante ans, victime de l'inhumanité des hommes. C'est le plus bel hommage que l'on puisse lui rendre.