Voyage au bout de la nuit marseillaise
Il y a du "Ferdinand Bardamu" (le héros de "Voyage au bout de la nuit" de Céline), dans Roland Cacciari, le personnage central du roman d'Andrevon: "Sukran". On y retrouve le même caractère désabusé, opportuniste et en même temps complètement 'humain'; un sens similaire du verbe, utilisant l'argot avec un style raffiné; le même type d'histoire d'une drôlerie au second degré, où l'espoir reste bien ténu sans que jamais l'auteur ne se laisse aller au pessimisme (même s'il y aurait objectivement des raisons...).
Il y a aussi parfois du "Zazi", notamment à travers le personnage secondaire très attachant de la jeune Mona.
Mais le tout s'avère très original, avec un rythme d'action soutenu qui vous tient en haleine tout au long des 296 pages.
Bref, "Sukran" est un grand roman de Jean-Pierre Andrevon, et d'autant plus grand qu'il date de 1989, en étant déjà capable d'anticiper un certain nombre de problèmes contemporains comme la montée de l'extrême droite face à une Marseille qui se magrébinise, ou bien les premières conséquences visibles du réchauffement climatique qui inonde le port (on perçoit cependant quelques actualisations dans la nouvelle édition comme la référence à Ban Laden).
Un roman à lire donc, même pour ceux qui pensent ne pas aimer la science-fiction.