Tant qu'on est pas blessé, on ne peut pas devenir un homme.
Au delà de la critique sociale d'une Amérique contemporaine désorientée et bien peu solidaire, de la description d'un monde désenchanté aux espoirs presque taris et en plein effondrement intellectuel, Auster démontre avant tout son talent de conteur de l'intime en brossant le portraits d'inadaptés qui se retrouvent à vivre ensemble dans une maison abandonnée, un squat en plein milieu de New-York.
De manière assez classique, chaque chapitre nous fait "visiter" l'intérieur d'un personnage, nous dévoile ses blessures, ses traumatismes, ce qui le fait avancer et ce qui l'obsède. J'ai surtout été frappé par la justesse de l'écriture d'Auster, notamment sa mesure du non-dit dans les relations entre les personnages. Fluide et simple, le texte est travaillé à l'extrême et soutenu par d'excellentes références culturelles (Beckett, Milton, Shaekespeare,....). J'ai aussi découvert et partagé son amour pour le cinéma - le vrai, celui avec un message - via les multiples analyses et références au film "Les plus belles années de nos vies", sorte de fil rouge du livre. Un parrallèle bien senti puisqu'il traite d'hommes traumatisés par la violence (ici la WW2) complètement déboussolés à leur retour, mutiques et qui ne savent plus comment se comporter avec leur femmes et petites amies.
Enfin, on retrouve bien sûr tous les thèmes cher d'Auster : les comportements obsessionnels des personnages, son goût pour les masques/changements d'identité, son penchant pour les coïncidences et bien entendu son amour pour le base-ball et la ville de New-York (qui commence tout de même à virer à la nostalgie d'un "vrai" New-York en voie de disparition).
Bref, j'ai trouvé le bouquin remarquable, bouleversant, je le recommande.
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