Il y a un petit côté intimidant à se frotter au culte légendaire qu’est Sur la route. La sensation de se lancer dans une aventure un peu trop sauvage, un trip un peu baroque à la Easy Rider, un délire improbable dont l'issue est incertaine. On y pénètre timidement, nos premiers pas rythmés par les soubresauts d'une écriture cahoteuse, à la ponctuation erratique, comme un moteur qui hésiterait à démarrer. Elle traduit la fièvre d’une écriture soudaine. Un jet puissant, craquant, produit en trois semaines sur un rouleau de 36 mètres sans paragraphes ou de retours à la ligne, dépourvu de chapitres, dans une urgence quasi maladive, comme si l’histoire n’avait plus le temps d’attendre. Bousculé, malmené par cette introduction brutale, le plaisir s’installe dès lors que l’on trouve son rythme, sa place dans cette carlingue cabossée. Le récit agit alors comme un mantra, la quête d’un ailleurs désiré ou fantasmé, l’appel de l’aventure et sa nécessité urgente, vitale, de saisir l’éphémère et partir n’importe où pourvu qu’on ait l’ivresse de la découverte. On y traverserait des territoires inconnus, des espaces interlopes où la Wi-Fi ne passe pas, des univers de l’intime constellés de personnages fascinants, de rencontres singulières, d’histoires d’amours sulfureuses, passionnées, passionnantes, vécues à toute vitesse, sans réserve. Un voyage littéraire mouvementé, aux confins de territoires sauvages, que l’on quitte hagards, soufflés par ce périple riche en émotions qui résonne en nous comme un lointain et mystérieux appel, comme une envie pressante et impétueuse, le besoin de prendre à notre tour, la route.