Un des romans emblématiques de la volonté de la Nouvelle Vague de se rapprocher de la littérature conventionnelle. Vous pourrez le brandir quand on vous dira que la SF, ça n’est pas de la vraie littérature. Mais entre nous, c’est quand même bien chiant hein…


Dans un proche avenir, le monde occidental sombre lentement dans la récession économique. Les États du Midwest américain tels que l’Iowa, où vit le jeune Daniel Weinreb, ont évolué vers une forme de totalitarisme et de puritanisme réprimant toute forme de créativité : stations de radio brouillées, journaux des Etats voisins interdits… C’est pour avoir vendu un de ces journaux au marché noir que Daniel vient d’être expédié dans un camp de concentration. Affamé, surexploité, exténué, il se fixe un objectif : apprendre le vol, cette technique particulière qui permet grâce au chant de s’évader de son corps en une sorte de voyage astral. Peu de gens parviennent à acquérir cette technique qui est également très dangereuse car il arrive que l’on ne revienne jamais de son voyage. Daniel n’est pas doué pour le chant, mais peut-être finira-t-il par rencontrer qui pourra le lui enseigner…


Sur les ailes du chant est un roman difficile à plusieurs égards. Le style, tout d’abord, marqué par un souci permanent de l’esthétique et du lyrisme poétique. Les études de caractère et les réflexions socio-philosophiques prennent dès lors naturellement le pas sur l’action. Il n’est pas rare de croiser des phrases telles que : l’inspiration fleurissait en visions fugaces génératrices de propositions viables, qui s’entrelaçaient en systèmes, lesquels semblaient résonner mystérieusement avec toutes sortes de choses, grandes et petites, avec ses intuitions les plus énormes, les plus brumeuses – un peu comme les courbes colorées d’un glaïeul dans un pot en plastique. C’est beau, certes, mais mieux vaut être prévenu…


Ensuite, le livre se compose de plusieurs grands chapitres qui n’ont que peu de rapport les uns avec les autres : l’enfance de Daniel dans l’Iowa, son passage en prison, sa rencontre avec sa future femme, sa vie de marginal précaire à New York, … Dans tous ces épisodes, on croise de nombreux personnages secondaires, tous suffisamment bien construits pour ouvrir des intrigues parallèles, et ils disparaissent tous des chapitres suivants pour ne plus jamais intervenir par la suite. On se demande souvent où l’auteur veut en venir : Daniel traverse des expériences qui devraient profondément l’affecter et affermir son caractère et sa personnalité, et il en ressort inchangé ou presque, ne donnant jamais l’impression qu’il va prendre sa vie en main, et il reste en permanence ballotté par les événements.


Enfin, aucune explication historique ou politique n’est donnée pour tenter de contextualiser un peu cette dystopie, qui reste donc cantonnée au rôle de toile de fond, renforçant ainsi cette absence totale d’espoir d’une issue heureuse. Daniel reste impuissant et enfermé en permanence, dans son enfance, en prison, dans la pauvreté, dans la célébrité, dans le mariage, sans aucun espoir de liberté. Quant au voyage astral, le fameux vol, il ressemble à une forme métaphorique de la prise de drogue, et ne semble jamais fournir autre chose qu’une fuite vers une transcendance mystérieuse.


Il reste alors un patchwork de tranches de vie, une galerie de personnages, l’évocation d’un pays en crise économique, sociale et spirituelle, un tableau globalement sombre (même l’humour y est noir), désabusé, beaucoup de considérations poético-philosophiques, et un propos général ambigu et fuyant.


Nominé pour le prix Hugo du meilleur roman 1980, Sur les ailes du chant est un roman en grande partie autobiographique. Thomas Disch est né en Iowa, a vécu à New York où il a travaillé au Metropolitan Opera, il a connu la pauvreté et la dépression (il se donnera d’ailleurs la mort par arme à feu en 2008). Gay, il a fait son coming out en 1968 et a publié plusieurs recueils de poèmes. Tous ces éléments se retrouvent, d’une manière ou d’une autre, dans ce roman.


Thomas M. Disch : Sur les ailes du chant – 1979


Originalité : 4/5. Un des principaux romans d’un auteur qui a laissé une oeuvre très personnelle.


Lisibilité : 2/5. Le style, c’est important. Le reste aussi.


Diversité : 4/5. Voir « Cohérence ».


Modernité : 1/5. Peut-être dans le portrait d’une Amérique décadente et en crise, mais c’est léger. Pour le reste…


Cohérence : 2/5. On a parfois l’impression de lire un collage de plusieurs histoires différentes mises bout à bout.


Moyenne : 5.2/10.


A conseiller si vous avez envie d’un récit poétique, lyrique et désabusé.


https://olidupsite.wordpress.com/2020/02/29/sur-les-ailes-du-chant-thomas-m-disch/

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le 9 mars 2022

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