On va bien se marrer avec un titre pareil ! Cioran a écrit cet essai ravageur à 23 ans... Hanté par la mort et la mélancolie, Sur les cimes du désespoir est une esthétisation poétique et philosophique de la dépression et de la fureur mélancolique. On y lit dans des aphorismes somptueux le désir ardent du chaos originel (l'avant) et de l’apocalypse finale (l'après), de la non existence, mais aussi une complaisance dans le désespoir. C'est lyrique et poétique, sans adhérer entièrement à la noirceur absolue du propos, j'ai été soufflée par la force cosmique de Cioran, qui catapulte l’homme dans le néant avec rage et passion. Quelques noms de chapitres évocateurs qui sont autant de décorticages lucides mais sombres de notre condition humaine : "la passion de l'absurde", "la mélancolie", "la désintégration", "solitude individuelle et solitude cosmique", "le renoncement" ou encore "bienfaits de l'insomnie"...
Bien sûr qu'il y a une forme de posture dans l'écriture : rejet de Dieu, de la morale, d'un sens à la vie, acceptation de l’absurdité du monde, de l'agonie de la pensée et renoncement au sens, au bonheur, aux objectifs, puis embrasement final de l'être dans l'éternité et le néant, loin du temps factice. De plus sous ses abords nihilistes (jusqu'à conspuer les sages boudhistes qui renoncent aux passions), Cioran propose une voie chaotique mais honnête : la vie n'a pas de sens mais ne peut pas en avoir un. Ainsi donc n'attendons rien d'elle mais contemplons avec ravissement les extraordinaires vicissitudes de l'existence humaine. Et qu'est ce que c'est beau !