Suttree
8.1
Suttree

livre de Cormac McCarthy (1979)

Critiquer Suttree mon vieux, ce serait comme de vouloir démolir un mur de briques à coups de capotes usagées ; si t'as l'image, imagine donc comment j'me sens face à cet édifice.


C'qu'est sûr déjà c'est que Suttree est à la portée de tout le monde, accessible, mais sûr que tu t'y pèteras les dents si tu cherches à le comprendre dans son intégralité. La langue est compliquée, les descriptions s'envolent dans des paragraphes touffus, des détails sobres et sombres. C'est la poésie façon McCarthy, comme toujours. Il n'y a pas de fluidité, tu te retrouves pris dans des barbelés de mots qui te renvoient mentalement à d'autres, laissant libre cours à ton imagination au point de t'y perdre et de devenir cinglé.


C'est une exercice dont je raffole. Pas toujours mais là, pour vrai je raffole.


Pas étonnant qu'on associe McCarthy à Faulkner ou à Steinbeck. Suttree est un livre social, qui raconte une des nombreuses face des États-Unis, celle de paumés en tous genres, des Noirs qui vivent dans des taudis, des clochards célestes façon Beat Generation ou alcool et philosophie baisent comme des vieux copains et dont les rejetons viennent s'écraser contre la vie imprévisible de coups tordus, Suttree parle de putes qu'elles soient hommes ou femmes peu importe, elles vivent et rentrent en collision avec tous les autres personnages que peuplent ce roman. On y croise des sorcières vaudous et des flics fous, des Homère alcoolos et des adolescentes complètement ravagées.


Ce qu'est sûr aussi, c'est que tu t'y fais moins chier qu'en lisant Kerouac. Suttree est un clochard céleste, tout comme son simplet de pote Gene Harrogate, mais les descriptions sont assez cradingues, et on ne cherche pas à glorifier, ni à magnifier qui que ce soit. T'oublies direct la petite somme que maman est prête à envoyer à son fils en cas de disette, Suttree et ses comparses se démerdent seuls, quitte à crever de froid, bouffés par les rats en plein hiver.


Ce n'est pas une leçon de vie, on en sort ni grandi ni élevé, on se prend 620 pages de pure littérature américaine avec tout ce que ça comporte d'imperfections, de crasse, de crudité, de courts moments de joie, de répits hérités après un dur labeur pendant l'été pour gagner quelques dollars aussitôt dépensés en orgies de tous les diables ; bouffe, sexe, alcool et stupéfiants.


Suttree est un excellent roman, dense, énervant, mais on s'y glisse comme dans un bain qui nous ferait plus de mal que de bien ; on le quitte endolori et fatigué, le sourire aux lèvres de s'être autant laisser attraper.

LouKnox
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Livres lus en 2020

Créée

le 5 nov. 2020

Critique lue 805 fois

8 j'aime

2 commentaires

Lou Knox

Écrit par

Critique lue 805 fois

8
2

Du même critique

Réinventer l'amour
LouKnox
8

Critique de Réinventer l'amour par Lou Knox

Comme pour chaque essai de Mona Chollet que j'ai pu lire, c'est assez difficile pour moi de donner mon avis sans passer par un vécu perso, d'assimiler chaque phrase, chaque situation en se comparant,...

le 23 sept. 2021

13 j'aime

Ci-gît l'amer
LouKnox
8

Critique de Ci-gît l'amer par Lou Knox

Comment soigner l’amertume ?

 C’est curieux comme le sujet d’un essai philosophique peut s’appliquer en temps réel au lecteur sur l’essai en lui-même. 

 J’essaye de clarifier ; compte tenu de...

le 16 janv. 2021

12 j'aime

2

Les Aérostats
LouKnox
4

Critique de Les Aérostats par Lou Knox

Ce qu'est bien avec Nothomb, c'est quand ses histoires à problèmes de bourges qui s'occupent de bourges et qui se gargarisent de références littéraires de bourges, ça dure pas trois plombes. On...

le 27 juil. 2020

12 j'aime

5