Je viens de me frotter brutalement au "stream of consciousness" d’un des plus grands auteurs américains… bon maintenant je confondrai plus Steinbeck et Faulkner, ça c’est certain.
La famille Bundren perd la mère, et tant bien que mal cherche à respecter son souhait, être enterrée dans son village natal à plus de quarante miles de leur ferme. L’équipée traîne avec elle son lot de secrets intimes et de rancoeurs secrètes qu’on devine (péniblement) au cours des chapitres, où chaque personnage prend la parole. Plutôt qu’une parole, on est projeté dans les pensées des enfants Burden, du père ou des voisins. On s’accroche donc à des bribes de sensation, des pièces éparses volontairement vagues, à recoller soi-même. On découvre des scènes par couches subjectives successives, des touches impressionnistes presque incompréhensibles sans la vision supplémentaire d’un autre protagoniste. Le parti pris c’est de ne pas connaître clairement les motivations des personnages, mais plutôt les pensées à l’oeuvre, souvent alambiquées, policées par une conscience de ce qui est convenable ou pas. On doit donc creuser les pensées pour aller au delà de ce qu’elles affirment (j’avais déjà foré pour atteindre leur cerveau, et en plus il faut forer pour atteindre ce que leur cerveau ne se résout pas à dire). Faulkner écrit Tandis que j’agonise à une époque où Freud et sa théorie psychanalytique prend de plus en plus d’ampleur dans les années 30 (merci Sparksnote pour l’information) : l’idée que notre inconscient refoule diverses anxiétés et traumas, que notre surmoi les contient via la sublimation, est assez perceptible dans le roman : chaque personnage poursuit des marottes cocasses ou plus sombres, j’avoue ne pas toujours avoir compris lesquelles.
En bref, c’est une écriture originale dans l’intention mais qui m’a été très pénible à lire. Et quand il n’y a pas de plaisir, c’est dur de reconnaitre à Faulkner son génie. L’histoire en elle même n’est pas bien intéressante, son développement (prometteur) est vite frustrant car il manque clairement de limpidité et de générosité. Je pense que c’est aussi un livre à lire en VO (mais avec le niveau d’anglais requis…), le française rajoute une couche de lourdingueries à l’ensemble. C’était clairement pas une partie de plaisir pour moi. J’en ai très vite eu rien à faire des péripéties des Burden.