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Publié en 2009, le livre Taxi de Khaled Al Khamissi condense quelques 58 conversations que le narrateur a avec les chauffeurs de taxi qui le conduisent à travers la ville entre 2005 et 2006. Ces chauffeurs, en plus d’être de grands bavards, vivent des mésaventures souvent terribles sous la dictature de Moubarak. Souvent désespérés, quelquefois d’un optimisme sans bornes face à leurs malheurs, l’humour semble être la solution pour lutter contre cette injustice et leur désarroi. Les blagues sur Moubarak fusent dans les embouteillages du Caire, au plus grand plaisir du lecteur.
Nous avons l’impression d’être dans ces taxi auprès du narrateur et du chauffeur qui témoigne, critique, dénonce ou réfléchit. On partage leurs éclats de rire, leur tristesse, leurs mésaventures, leur colère, leur désespoir ou leurs espoirs.
Et ce sont 58 conversations que l’on découvre au final. 58 comme les 58% de la population égyptienne qui vivent sous le seuil de pauvreté, et dont les chauffeurs de taxi sont les représentants. Certains d’entre eux ont fait de brillantes études, d’autres ne sont pas du tout taxi mais se retrouvent à en conduire un, certains viennent de très loin et essayent de trouver la fortune ou du moins de quoi survivre dans cette nouvelle ville… Le narrateur, lui, a l’air de s’en sortir plutôt bien. C’est un intellectuel qui a trois enfants et semble réussir à bien gagner sa vie.
On ressent la lassitude d’un peuple à travers cette communauté de taxi. Très peu sont encore favorables au dictateur Moubarak s’ils l’ont déjà été, et certains se tournent vers les islamistes des frères musulmans, le seul parti d’opposition qui arrivent à faire parler de lui. La plupart sont conscients du régime dans lequel ils vivent et dénoncent la corruption qu’ils subissent tous les jours aux services administratifs pour obtenir un permis professionnel ou plus généralement par les policiers qui les arrêtent et les accusent de n’importe quoi pour obtenir de l’argent.
Leurs mésaventures face à ce régime dictatoriale et ce système économique qui les garde dans la misère, « on en rit et on en pleure », comme le fait si bien remarquer l’un d’eux. L’art de la dérision que la plupart possède apporte une touche d’humour à leurs malheurs et un sourire sur les lèvres du lecteur.
Une lecture agréable, bourrée d’humour mais qui apparaît aussi comme une chronique sociale au service d’un peuple abusé par ses dirigeants. Publié en 2007 au Caire, le livre de Khaled Al Khamissi, qui se situe entre le travail journalistique et l’oeuvre de fiction, apporte un nouvel éclairage sur les raisons qui ont poussé le peuple égyptien à se soulever contre leur dirigeant.