We're living in violent times
Stendhal voulait écrire comme le Code Civil, Reznikoff écrit des compte-rendus de tribunaux. Littéralement il les réécrit, les éclaircit, les traduit "en poésie". Il fouille les archives et puis les édite, au sens américain, c'est-à-dire qu'il coupe, beaucoup, jusqu'à qu'il ne reste que l'os, et encore quelques uns seulement, pour en faire des vers d'une sécheresse désespérante.
Reznikoff n'est pas le premier à faire des "found poems", Cendrars ou Tzara ou Duchamp l'ont précédé mais sans doute pas dans les mêmes intentions.
On peut y voir l'aboutissement du projet objectiviste, qui avait commencé dans la correspondance Pound-Zukofski, ou bien un autre exemple radical de la "mort de l'auteur".
On peut y voir une histoire populaire des Etats-Unis. Reznikoff fut marxiste, son livre est très construit, agencé, en périodes, en régions (Nord, Ouest, Sud), en thématiques: le train, la machine, la vie conjugale, les Noirs etc…
On peut y voir beaucoup de choses, mais comme disait Royet-Journoud, cette poésie sans métaphore résiste à toute réduction interprétative.
C'est un recueil à lire avec parcimonie parce que c'est très long, parce qu' on se retrouve rapidement étouffé par ce déferlement de violence, absurde, cruelle, ces accidents sanglants et inévitables, ces trahisons. La platitude de l'écriture, l'accumulation de faits accablants, ne permet pas à l'esprit de reprendre son souffle, déclenche l'émotion sans la provoquer. Ce qui est proposé ici une vision inédite de l'humanité, dans une époque et dans une géographie donnée.