L'univers, dans un billion de billion ... de billion d'années
Stephen Baxter est un auteur prolifique de hard SF : plus d'une trentaine de romans à ce jour, marqués par une description toujours pointilleuse des concepts scientifiques impliqués dans son intrigue. J'avais déjà été confronté à sa plume il y a quelques années, en lisant "les vaisseaux du temps", une suite pas très heureuse à mon humble avis de "la machine à explorer le temps" de H.G. Wells.
Avec les univers multiples, Baxter s'embarque à nouveau pour des voyages temporels, mais avec une ambition toute autre. Il s'agit ici ni plus ni moins que d'écrire l'Histoire de l'humanité ; non, que dis-je, l'Histoire de l'Univers, des Univers, même, à travers les siècles, les millénaires, les billions de billions de ... billions d'années. Ça donne le tournis ! Il s'appuie, de plus, sur des théories scientifiques existantes (c'est indiqué en postface) pour donner plus de crédibilité à son histoire.
Alors, qu'en dire ? J'avoue être partagé ; l'écriture de Baxter ne m'emballe pas. Son champ lexical n'est pas vraiment excitant, pas plus que ses tournures de phrase (à moins qu'il s'agisse de la traduction). Son texte ressemble un peu à une sorte de documentaire, et même s'il est vrai que cela sert un peu son intrigue, j'ai besoin d'un peu plus de Littérature pour être totalement séduit. Pour ne rien arranger, ses personnages sont un peu fades, sans réel relief ni surprise : même s'il n'y pas là de catastrophe majeure (ah ah, private joke), on devine qu'il est bien plus à l'aise avec les aspects scientifiques qu'avec les relations humaines.
Ensuite, les théories scientifiques sur lesquelles s'appuie le roman me paraissent pour certaines bien rocambolesques (comme la catastrophe de Carter, par exemple) et desservent le roman. A moins qu'elles aient été inspirées à l'humanité par vous savez qui pour préparer vous savez quoi (et oui, no spoiler, c'est ma règle, chers lecteurs), et dans ce cas, je crie au génie, bien subtil, de Baxter ; mais je conserve un léger doute sur cette interprétation... D'un autre côté, Baxter s'en sort plutôt bien avec les paradoxes temporels, les théories sur la fin de l'univers par refroidissement progressif, l'exploration des astéroïdes, ce qui était loin d'être évident.
Enfin, certains passages trainent en longueur ; on frise le documentaire parfois, comme je le soulignais, bien que ce soit peut-être une nécessité. Mais les 50 dernières pages (qui auraient largement mérité d'être davantage développées, par contre) conduisent à un final fascinant et époustouflant. Je ne crois pas avoir déjà été confronté à l'idée proposée par Baxter, et elle m'impressionne, malgré mes nombreux kilomètres au compteur en SF (en toute modestie). Ce dénouement suffit largement à justifier la lecture de ce premier opus ambitieux, fort divertissant malgré tout, et compense aisément ses défauts. Il m'incite à poursuivre avec "espace", et c'est déjà pas mal.