Il faut parcourir pendant quelques centaines de pages la narration nébuleuse de Fitzgerald pour que se dessine enfin le sujet de ce roman à l'atmosphère étrange et somptueuse des films romantiques des années 30-50.
Dick Driver et Nicole Warren forment un couple qui attire la convoitise et qui semble bien se porter, mais ce n'est qu'une façade.
Dick Driver est quelqu'un de charismatique et de talentueux qui attire la sympathie, mais aussi un homme cruel, il dit à propos d'une soirée qu'il organise «P44 Je veux que cette soirée soit parfaitement horrible. J'y tiens absolument. Je veux qu'elle soit pleine de ruptures et de séductions, que les gens rentrent chez eux profondément blessés, que les femmes s'évanouissent dans le cabinet de toilette » et qui se détache peu à peu de sa femme, pris dans ses projets ambitieux et Rosemary, jeune actrice qu'il aime.
Nicole quant à elle, s'enfonce dans la folie à cause de la négligence de son mari. Mais ils ne font rien, pour rester poli, jusqu'à ce que cette haine accumulée silencieusement finisse par exploser dans le l'acte III I où la mort apparaît (un personnage secondaire, Abe North, est battu à mort et le père de Dick meurt) et où les personnages qui ne font maintenant presque plus que s'insulter. Cette dernière partie anéantie complétement le couple, Nicole se remarie avec Tommy et Dick disparaît à New York.
Le style du roman est plutôt simple, il y a des fautes de goût, des tournures de phrases maladroites et quelques-unes très niaises mais il y a quelques belles choses qui en ressortent «P20 : Il était visiblement en train de rôtir - une teinte cuivrée, à reflets grisâtres, lui couvrait brusquement le visage et lui donnait un air hagard. Comprenant brusquement ce qui lui arrivait, il courut vers la mer, suivi de son épouse. »
L'auteur s'est énormément inspiré de la tournure qu'a prit sa relation avec sa femme, Zelda Sayre, pour écrire son roman. La situation de son couple est très similaire à celui de Tendre est la nuit : Fitzgerald est devenu alcoolique et déprimé dans les années 1920, car il n'arrivait plus à vendre ses livres et sa femme est devenue folle au point d'être internée dans un hôpital psychiatrique. C'est donc une sorte de déclaration d'amour par la haine que Fitzgerald fait ici à sa femme, où il confesse sa propre médiocrité et son incapacité à l'aider et à l'aimer.
Finalement, il représente l'amour sous sa véritable et répugnante apparence en balayant tous les clichés romantiques. L'amour n'est pas quelque chose de beau et de paisible : c'est une épreuve quotidienne et pénible, quelque chose d'encombrant et d'inutile. Il n'y a pas de grande catastrophe ou de châtiment divin qui vient brutalement poignarder l'amour, la rupture est quelque chose de long, qui se fait discret, comme une longue agonie qui débouche enfin sur une mort inévitable.
Début de lecture: 18 Novembre 2020
Fin de lecture: 26 Novembre 2020
Édition: Livre de poche