Terre errante
6.8
Terre errante

livre de Liu Cixin (2000)

Dans ce récit plus proche de la nouvelle que du roman, le Chinois Liu Cixin imagine que la fin annoncée du Soleil amène les habitants de la Terre à tenter une manœuvre désespérée.


Non situé dans le temps mais forcément futuriste, ce récit nous place au cœur d’une science-fiction où l’auteur va au plus simple, nous mettant en position de comprendre parfaitement ce qui se passe. D’ailleurs, la situation de base est très compréhensible malgré son aspect scientifique. Comme nous le savons parfaitement, notre monde n’est pas éternel, puisque le Soleil est une étoile, soit un astre essentiellement composé de gaz en fusion. Ce qui veut dire que lorsque la quantité de gaz qui le constitue sera épuisée, le Soleil deviendra un astre mort qui cessera de nous envoyer chaleur et lumière dont nous nous nourrissons. L’aspect rassurant, c’est qu’on nous a dit, enfants, que cette situation est pour un futur tellement éloigné que nous ne sommes pas concernés. D’après leur étude des étoiles, les astronomes considèrent que notre Soleil est destiné à devenir une géante rouge, par accélération de la conversion de l’hydrogène en hélium. A vrai dire l’aspect scientifique n’a ici qu’une importance anecdotique. Ce qui compte, c’est ce colossal imprévu : le Soleil arrive en fin de vie, catastrophe qui devient imminente (quelques années). Que faire dans ces conditions ? Faut-il se résoudre à attendre la mort stoïquement ou bien peut-on envisager une action dont les humains auraient les moyens ? D’emblée, l’auteur nous place devant une situation où, à l’aspect technique, s’ajoute une dimension philosophique : l’humanité a-t-elle les moyens de se trouver un avenir au-delà de l’existence du Soleil ? On peut considérer que l’idée de l’exploration spatiale vient de là. Le vrai souci, c’est que nous ne sommes pas prêts et qu’il paraît difficile d’imaginer l’être dans un futur proche comme l’auteur nous place, au vu de l’aspect scientifique du récit. Face à l’énormité d’une telle problématique, Liu Cixin se contente de l’aborder modestement. En effet, il escamote une difficulté fondamentale en nous plaçant d’emblée dans un futur où la grande décision a été prise. On ne sait pas comment et on se prend à imaginer ce qui se passerait si on devait affronter une telle situation demain. Imaginez, trouver un accord fondamental à l’échelle planétaire…


L’astronef Terre


Ce que l’auteur met en évidence, c’est que nous autres humains sommes embarqués sur un même navire dont le sort nous concerne tous : son état, ses habitants, son organisation. Il nous montre également jusqu’à quel point nous sommes capables de le malmener dans le but de sauver l’espèce humaine. On remarquera qu’envisager de sauver tout ce qui fait la Terre elle-même (toutes les autres espèces vivantes, son aspect général, etc.) passe alors au second plan. On note cependant l’ampleur des sacrifices envisagés. Ce qui fait le plus défaut dans ce récit, ce sont les conséquences du bouleversement de notre habitat naturel (la Terre) sur l’avenir des humains. Un avenir est-il possible dans un contexte fortement dégradé de l’écosystème que nous connaissons ? En d’autres termes, peut-on effectivement sauver l’humain si on ne sauve pas avant tout son environnement naturel ?


Un projet aux conséquences incalculables


Il faut également évoquer le fait que la décision prise pour sauver ce qui peut l’être engage l’humanité sur une centaine de générations et que la narration est assurée par un individu de la génération « initiale » celle qui décide de passer à l’action. Il est donc logique que la narration n’aille pas aussi loin qu’on aimerait, ce qui évite à l’auteur d’imaginer certains points fondamentaux. Je pense en particulier à l’aspect psychologique pourtant évoqué dans le texte, avec les revirements d’une partie de la population mettant le projet en danger. Qu’en sera-t-il lorsque tout retour sera devenu impossible et que pour les générations intermédiaires, le seul but envisageable sera de poursuivre l’aventure dans l’espoir que les générations du futur trouvent autre chose ? L’auteur nous fait comprendre que, pour une génération, des conditions d’existence à la limite du supportable à nos yeux, peuvent passer aux yeux de celles et ceux qui n’ont jamais rien connu d’autre. Certes, mais il peut tellement s’en passer lors d’un espace de temps correspondant à une centaine de générations. La conclusion au récit comme à ce texte, c’est qu’il s’agit d’une autre histoire.


Critique parue initialement sur LeMagduCiné

Electron
6
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Lus en 2023

Créée

le 14 avr. 2024

Critique lue 77 fois

8 j'aime

Electron

Écrit par

Critique lue 77 fois

8

D'autres avis sur Terre errante

Terre errante
Antarka
3

Lecture errante

Ce bouquin etait l'un des coups de coeur de la librairie ou je flâne parfois. Il est d'ailleurs extrêmement rare que ces coups de coeur soient de la SF, genre que j'affectionne...

le 20 juin 2020

3 j'aime

2

Terre errante
punkryden
7

Par l'auteur du problème à 3 corps (de ouïghours)

C'est un court roman de moins de 100 pages vendus 10€ soit 10 cents la page. Et pourtant point de lettrine mise en relief à l'or fin. Point de reliure en cuir de galuchat. Un livre de poche qui tient...

le 14 sept. 2023

1 j'aime

Terre errante
WilliamStifler
7

Pas habitué aux noms chinois

Nouvelle au pitch très sympa. Très belle idée avec de bons concepts scientifiques sans être WTF. Par contre pas du tout habitué aux noms chinois. C'est très compliqué...

le 30 août 2020

1 j'aime

Du même critique

Un jour sans fin
Electron
8

Parce qu’elle le vaut bien

Phil Connors (Bill Murray) est présentateur météo à la télévision de Pittsburgh. Se prenant pour une vedette, il rechigne à couvrir encore une fois le jour de la marmotte à Punxsutawney, charmante...

le 26 juin 2013

113 j'aime

31

Vivarium
Electron
7

Vol dans un nid de coucou

L’introduction (pendant le générique) est très annonciatrice du film, avec ce petit du coucou, éclos dans le nid d’une autre espèce et qui finit par en expulser les petits des légitimes...

le 6 nov. 2019

79 j'aime

6

Quai d'Orsay
Electron
8

OTAN en emporte le vent

L’avant-première en présence de Bertrand Tavernier fut un régal. Le débat a mis en évidence sa connaissance encyclopédique du cinéma (son Anthologie du cinéma américain est une référence). Une...

le 5 nov. 2013

78 j'aime

20