Ce très gros volume -1800 pages fines- rassemble la totalité des 6 livres constituant le cycle de Terremer : Le Sorcier de Terremer, Les tombeaux d'Atuan, L'ultime rivage, Tehanu, Contes de Terremer et Le vent d'ailleurs, chaque ouvrage étant nanti d'une postface particulière, ainsi qu'une carte de Terremer reproduite à partir d'un original fait par ULG. S'y ajoutent une préface, une postface générale de l’œuvre intitulée Terremer revisitée, une Description de Terremer ainsi que quatre petits récits supplémentaires inscrits dans le cycle. Tous les textes du recueil sont d'Ursula Le Guin et les illustrations en noir et blanc sont de Charles Vess.
Le lecteur a l'avantage d'avoir la totalité du cycle enrichi du regard expérimenté de l'écrivaine sur son oeuvre. Pour le prix, on peut dire que l'éditeur ne nous vole pas !
L'édition présente étant énorme, les ouvrages principaux ne sont ici ni commentés ni notés ; j'en ferai une critique particulière sur les pages de SC qui leur sont consacrées. La note attribuée pour ce recueil concerne l'ensemble des textes "périphériques" et le travail d'édition.
La préface de neuf pages nous renseigne sur la chronologie de la création des six tomes de Terremer, sur les motivations de l'auteure à les écrire et sur les difficultés rencontrées avec les éditeurs à propos des illustrations. A l'époque les éditeurs auxquels s'adressait ULG voulaient absolument que les héros à peau sombre de l’œuvre soient blanchis dans leur représentation illustrée pour obéir aux canons d'une bien-pensance raciale dans l'héroïc-fantasy. Après une progression évidente dans ce domaine jusqu'à nos jours, il est triste d'imaginer qu'aujourd'hui Ursula Le Guin serait dénoncée comme suppôt du "wokisme"par les avant-gardistes de la grande régression mondiale... Les illustrations de Charles Vess, du goût de l'auteure, n'ont curieusement pas la vertu de nous rapporter cette dimension esthétique raciale qu'elle revendique. Elles présentent peu de visages détaillés, et les rares qui le sont sont essentiellement "caucasiens". L'édition ne nous éclaire pas, hélas, sur cette contradiction.
La postface générale est à mes yeux la plus précieuse. Il s'agit du compte-rendu d'un cours donné par ULG à l'université d'Oxford au Royaume-Uni en 1992, l'auteure ayant alors 62 ou 63 ans. Dans cette véritable mine de diamants de réflexion, l'écrivaine aborde avec une maestria de concision et de précision qui a dû faire jubiler Gérard Klein la question de l'individu à la société, la place de la femme dans la représentation masculiniste conventionnelle de cette société, et simultanément la place de l'espèce humaine dans sa perception de l'univers.
Voilà une démonstration de sensibilité et d'intelligence que j'invite tous les lecteurs, et plus encore les lectrices à découvrir, et qui pourrait devenir texte fondateur d'un nouvel humanisme, enfin universel et bienveillant. Un 11/10 à SC, quoi !