Dealer de CRPG

Pour moi ce livre c’est un peu un rêve. Imaginez donc : presque 700 pages d’une densité intimidante sur la naissance et l’histoire des jeux de rôle PC, avec des dossiers variés sur (en vrac) les rpg coréens, français, chinois, la naissance du jeu de plateau, les traductions de fans, l’évolution des supports, mais SURTOUT plus de 450 jeux chroniqués. Des articles pleins d’amour écrits par des développeurs, des journalistes et tout un tas de spécialistes qui sont venus au rdv pour nous dire pourquoi tel RPG obscur est un must-have.

Pourquoi par exemple Jagged Alliance 2 reste à ce jour le meilleur rpg tactique militaire. Pourquoi Darklands (obscur rpg allemand de 1992) propose un game design encore ultra solide aujourd’hui. Pourquoi les rôlistes font toujours des rêves mouillés de Daggerfall ou de Betrayal at Krondor. Ou pourquoi il faut absolument tester des titres comme Bard’s Tale, Might and Magic, Dungeon Master ou Pool of Radiance.

Là évidemment je cite quelques vieilleries pour le plaisir, mais le livre passe en revue presque tous les jeux du genre depuis la fin des années 70 jusqu’à Disco Elysium – certes, on trouvera fort dommage que cette extended edition s’arrête là alors qu’en 2023 est sorti un certain BG3…mais bon, on ne va pas râler pour si peu.

Bien sûr on trouve de très bons articles sur les mastodontes du genre : les Elder Scrolls, Fallout, Baldur’s, Nerverwinter Night, Witcher, Planescape, et autres Dragon Age ont droit à de beaux papiers. Mais là où ce livre prouve véritablement son amour pour le genre c’est qu’il donne autant d’attention aux titres moins connus – moi je suis heureux par exemple que mon chouchou Kingdome Come Deliverance ait droit aux deux pages qu’il mérite. Je trouve ça beau d’avoir entre les mains des articles sérieux sur des jeux comme Outward, Kenshi, Tower of Time, ou Lord of Xulima.

Et si un tel ouvrage est un rêve pour moi c’est justement parce que j’accumule désormais pas mal de ces jeux sur mon PC, partagés entre un peu de Steam, d’Abandonware et de GOG. Sur cette dernière plateforme particulièrement, j’entretiens une ludothèque honteusement cachée, sorte de jardin secret où se bousculent bientôt 100 vieilleries de ce type. La série des Ultima y côtoie par exemple celle des Two Worlds, ou bien quelques trucs très indés comme des jeux Spiderweb Software, Balrum, ou encore Age of Decadance. Pas seulement des vieux titres donc, mais aussi des choses sorties dans l’ombre à une époque où on disait le CRPG mort, mais qu’il continuait en fait à vivre discrètement dans son coin.

« Honteusement cachée » je disais, parce qu’en vérité ma vie n’est pas compatible avec cette passion et qu’une telle accumulation devient ridicule. Sauf que voilà, je n’y peux rien, tout cela m’attire vraiment. Il y a quelques années j’étais tombé sur une série d’articles anglais traduits par les membres du forum RPG France qui repartaient de la naissance du RPG et retraçaient son histoire dans les grandes lignes. Ces textes avaient éveillé mon envie d’en apprendre plus. Et aujourd’hui ce CRPG Book me donne tout ce "plus". Non seulement il valide cette attirance que je croyais déviante en me montrant que d’autres, encore plus maboules que moi, sont réellement capables de se relancer Ultima 1 – voire Akalabeth, son prédécesseur - pour le plaisir, et donc que je ne suis pas seul. Mais en plus il attise cette attirance en me mettant sous le nez des centaines de nouvelles propositions.

Moi, pour qui continuer à jouer aux jeux vidéo relève de l’exploit, surtout s’il s’agit de RPG, je trouve dans ce livre un réconfort et de quoi apaiser ma frustration. Je prends une page au hasard, je tombe sur ….allez tiens…Perihelion, RPG de science-fiction horrifique sorti sur Amiga en 1993 et voilà que ma whislist s’alourdit d’une nouvelle entrée. Ridicule j'vous dis.

Bref, ce livre m’apaise autant qu’il m’excite, comme la plus mauvaise des drogues en somme. Raison pour laquelle vous devez l’acheter.

(mais si jamais vous êtes pauvres, il existe une version numérique consultable ici)

Mais ce serait quand même dommage de passer à côté de cette merveille : constatez.