Norvège, IXe siècle. Loin du Danemark et de la Suède, le pays reste en proie aux luttes intestines entre les multiples roitelets suffisamment puissants pour rassembler autour de leur parentèle quelques guerriers, navires et paysans. Dans cette contrée rurale jalonnée par les halles et traversée par les fjords, Ragnvald Eysteinsson descend d’une famille ayant régné jadis sur le comté de Sogn. En dépit de la mort prématurée de son père, il n’a toujours pas renoncé à son héritage, attendant la réunion du Ting pour en revendiquer la possession auprès de son beau-père Olaf. Parti razzier l’Irlande en compagnie d’une bande de pillards, il échappe à son retour à une tentative d’assassinat fomenté par son beau-père avec la complicité du chef de l’expédition, Solvi le Bref, laissant sa sœur Svanhild à la merci de ses ennemis. Le frère et la sœur assument alors leur destin, Ragnvald aux côtés de Harald, le futur roi de la Norvège, Svanhild auprès de Solvi.


L’univers des sagas scandinaves semble un filon inépuisable d’histoires pour bien des auteurs. Ce n’est un secret pour personne, y compris pour les fans de la série Vikings et de ses lodbrokeries. Linnea Hartsuyker s’inspire de la Orkneyinga saga (saga des Orcadiens) et de l’un des récits de la Heimskringla, pour broder un roman léger, riche en aventures et passions. Elle met en scène un frère et une sœur, par ailleurs personnages historiques principaux de l’histoire des comtes des Orcades et de la saga des rois de Norvège.


Si l’histoire de la Norvège n’a guère de secret pour l’érudit, elle demeure pour le commun des mortels en grande partie entachée par des zones d’ombre, des inexactitudes et des fantasmes. Les sources écrites tardives, toutes d’époque chrétienne, ne font en effet que compiler des récits issus de la tradition orale et du folklore. Les Orkneyinga et Heimskringla sagas mêlent ainsi les faits historiques aux contes populaires et à la mythologie, n’hésitant pas à lier l’existence des personnages historiques à la légende, notamment en insistant sur les origines mythiques des différentes familles royales de Scandinavie.


Avec Ragnvald et le loup d’or, Linnea Hartsuyker convoque le personnage de Ragnvald (ou Rögnvaldr) Eysteinsson, dit le Sage, jarl de Møre, compagnon de Harald Hårfagre (à la Belle Chevelure), le premier roi de Norvège, et ancêtre de Guillaume le Conquérant par l’intermédiaire de son fils, Hrolfr (plus connu dans nos contrées sous le nom de Rollon). Bref, l’autrice américaine ne choisit pas de remiser à l’arrière-plan l’aspect historique des sagas scandinaves. Bien au contraire, elle opte pour une approche documentée, reconstituant de manière vraisemblable, ou du moins crédible, la rusticité et la rudesse de l’organisation sociale et politique, mais également les mœurs et traditions de la Norvège médiévale.


Si cet aspect du récit m’a convaincu, hélas je l’ai été beaucoup moins par l’intrigue, un tantinet légère, surtout l’arc narratif impliquant Svanhild. À ma décharge, je n’ai jamais vraiment apprécié les histoires de midinettes. On évolue en effet dans les schémas narratifs du roman d’apprentissage. Guidé par sa volonté de vengeance, Ragnvald se révèle progressivement à lui-même et aux autres, dévoilant des qualités de meneur d’hommes, de tacticien, de fin politique et de guerrier au contact des rois Haakon et Harald. Il perd aussi son innocence et sa naïveté, négociant son allégeance sans pour autant renoncer à sa réputation. De son côté, Svanhild doit choisir entre sa famille et sa liberté, embrassant au sens propre comme au figuré la cause de Solvi, sans pour autant abandonner son indépendance. Entre complots, trahisons et batailles rangées aux descriptions taillées à la hache, pas vraiment le point fort du roman, on s’attache ainsi à suivre cette famille décomposée sur les traces de l’Histoire du Nord de l’Europe.


Si l’on fait abstraction des allusions putassières à Game of Thrones et Outlander, Ragnwald et le loup d’or n’en demeure pas moins un récit distrayant, où l’Histoire sert finalement de décor à un roman d’apprentissage. A suivre avec La Reine des mers.


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leleul
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le 22 juin 2020

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