Quel étrange personnage que ce Henri Worsley, explorateur polaire, un peu fêlé. Obsédé par le blanc, presque aussi cabossé que Tesson, Worsley aura passé sa vie à quitter sa famille pour se plonger dans le vide d’une contrée désertique, la plus hostile sur Terre, marchant sur les traces depuis longtemps effacés de son idole absolue, Ernest Shackleton. David Grann parvient aisément, par son excellent travail de recherche, à nous faire accompagner ces héros de la solitude dans leurs pérégrinations de l’extrême. Il manque néanmoins à son texte un peu de l’exploration psychologique d’un Jon Krakauer pour inscrire définitivement Worsley au panthéon de ces aventuriers jusqu’au boutistes. Ses pensées intimes nous resteront inconnues, sa démarche incomprise. Qu'est-ce qui pousse réellement un homme à sacrifier sa vie de famille pour un ailleurs fantasmé et terriblement hostile, qu’est-ce qu’il espère y trouver ? David Grann ne s’avance que trop peu vers ce territoire de la pensée qui donne pourtant tellement matière à réfléchir sur notre irrépressible besoin d’embrasser le danger, la solitude, le vide.