Je plonge dans la littérature lesbienne comme une affamée, c'est donc peu dire que je suis toute disposée à l'apprécier. Cependant, j'ai absolument détesté Thérèse et Isabelle, autofiction que j'ai lue avec consternation en une journée, en diagonale au bout d'un moment tant j'étais irritée.
J'essaierai, pour une fois, de faire court : je ne suis pas séduite par ce qui ressemble à des démonstrations de force artificielles censées démontrer la maîtrise de l'art d'écrire de l'autrice. Cette accumulation sans aucune mesure de figures de style ridicules, obscures, alambiquées et précieuses m'a insupportée : juxtaposer des mots qui n'ont aucun rapport entre eux, ça ne suffit pas pour faire de la poésie, et pour être un.e bon.ne écrivain.e, à mon idée. Tout est d'une mièvrerie pénible. J'ai donc détesté cette écriture. Par ailleurs, je n'aime pas beaucoup ce que cette écriture dit du saphisme : bien entendu, il faut resituer ce livre dans son époque, et puis c'est la vision singulière de Violette Leduc, à laquelle elle a tout à fait droit ; mais cette association systématique de l'amour entre femmes à des symboles archi-genrés (les roses, les perles...), à des comportements typiquement associés à la féminité, et à cette écriture d'une préciosité hypersexuée, c'était fatigant.
Mais l'histoire aussi : je n'ai pas cru une minute à cette histoire de passion et de désir sortie de nulle part, d'une brusquerie absolue. Personne ne parle comme ça. Les dialogues sonnent faux. Je suis restée en-dehors. Ces personnages, Thérèse et Isabelle, ne se sont pas incarnés pour moi, ils n'étaient que des prénoms sans aucune substance ni consistance psychologique. J'ai seulement aimé peut-être la brutalité de la fin : c'est inattendu, c'est violent, c'est littérairement intéressant.
Ce livre ne parle de pas grand-chose, en fait. Oui, bien sûr, il eut un lourd parfum de scandale en son temps, il y a bien une raison ; et l'autrice a, on ne peut pas le nier, un style (détestable) ; mais je ne sais pas bien ce qu'il a à proposer à part une description de l'homosexualité féminine, et précisément en se limitant à la sexualité. Cette histoire de cul entre deux très jeunes femmes qui ont l'immaturité affective de celles qui découvrent l'amour, j'imagine que ça peut plaire justement à de très jeunes lesbiennes en manque de figures et de fantasmes auxquel.le.s s'identifier, et c'est donc, comme je le souligne dans mon titre, très bien que ça existe pour elles. Je suis ravie qu'une femme ait écrit ça au XXe siècle. Mais ça n'en fait pas un bon livre. Pour moi, ce livre pourrait incarner une sorte d'archétype de ce que je déteste en littérature : la pédanterie stylistique, l'absence de second degré, l'emphase niaise, l'ésotérisme facile. Il y a quelques phrases dans ce roman qui m'ont évoqué des formules d'Albert Cohen ; mais n'est pas Albert Cohen (avec sa verve, son cynisme, sa grandeur fascinante, sa pénétration des émotions humaines et sa compréhension du politique) qui veut, et je n'y ai vu qu'une pâle copie qui s'enfermait dans les périphrases, les hypallages, les pluriels poétiques et autres métaphores à vomir, sans que la forme ne serve un quelconque contenu, une idée, quelque chose d'un peu convaincant, ou même d'un peu intimiste. Je n'ai pas vu d'intimité dans ce récit qui ressemble pour moi à un script de porno romantique pour lesbiennes de quinze ans. Bref : ça ne m'intéresse pas.