Tout comme dans son livre le "dernier homme" par lequel j'ai découvert Blanchot, le texte de Thomas est tourné vers l’intérieur de son personnage. Intérieur qui se reflète dans ce quoi le corps trempe, la mer brumeuse, la nuit, le plein midi ou le profond minuit, à moins que ce ne soit le contraire, l’intérieur du monde qui se reflète dans le corps.
Dans Thomas L'obscure, ce n’est pas, a la manière du dernier homme, un triptyque qui configure le récit, mais pourrait on dire un couple, bien que couple ne soit pas a prendre dans le sens « vivre à deux » ou « ensemble », mais plutôt comme la tentative de rencontre de deux êtres qui vont mourir. Thomas l’obscur est un texte de la mort. L’amour qui y est évoqué prend un sens dans le fait que les êtres qui se rencontrent, Thomas, Anne, sont mourant, et ainsi Anne meurt sous les yeux vivant de Thomas, qui lit le visage sans vie d’Anne comme il lirait un livre dans sa chambre, c'est a dire avec toute l'intensité de la recherche du signe.
Le texte ne s'attarde pas sur le fait de mourir, puisqu'il décrit avant tout un chemin dont le point d’inflexion est certe la mort, mais le long duquel la solitude face à la mort se tourne pour se diriger vers l’autre que soi. Cette solitude en mouvement nous montre une nouvelle solitude, une autre solitude. Et la mer imaginaire ou la foule se baigne nue, à la toute fin, ne m’est pas apparut comme une réconciliation de cette solitude à l’autre. Cela reste des solitudes renfermé dans les corps, qui eux même flottent a la surface d’un océan brumeux, et clapotent au rythme d’une houle faible mais suffisante pour leur imposer le mouvement. Mais cette solitude est tout à fait différente de la baignade initiale de Thomas qui ouvre le texte. Exprimer concrètement ce changement, cette différence, serait peut être toucher à l’essence même du texte, et a ces nouvelles solitudes.
Mise en garde : La lecture de Blanchot m'est très particulière, elle me demande une lecture plutôt lente, et pas mal de relecture. Exigeante, mais pas forcement à cause des paradoxes ou des constructions antinomique (il faudra faire avec). C’est surtout se mélange de sensation, de réflexion, d’image poétique qui sont tressé de façon très serré par l’auteur, puis l’utilisation de mot toujours simple, mais qui dans le contexte des phrases, peuvent prendre de multiple sens. C’est une lecture extrêmement active. Il s’en dégage un plaisir de lecture ou le lecteur n’as pas la sensation d’être confronté a un texte « trop » compliqué, mais a une découverte permanente. C’est aussi une lecture du retrait, de la confrontation avec des réflexions vertigineuse parfois, angoissante aussi. Ce n’est pas vraiment confortable.
Thomas demeura à lire dans sa chambre. Il était assis, les mains
jointes au-dessus de son front, les pouces appuyés contre la racine de
ses cheveux, si absorbé qu'il ne faisait pas un mouvement lorsqu'on
ouvrait la porte. ceux qui entraient, voyant son livre toujours ouvert
aux mêmes pages, pensaient qu'il feignait de lire. Il lisait. Il
lisait avec une attention et une minutie insurpassables. Il était,
auprès de chaque signe, dans la situation où se trouve le mâle quand
la mante religieuse va le dévorer. L'un et l'autre se regardaient. Les
mots, issus d'un livre qui prenait une puissance mortelle, exerçaient
sur le regard qui les touchait un attrait doux et paisible.
Une lecture qui boucle sur elle même, vertigineux, je vous dis, pour peu que l'on s'y laisse tomber.