les phrases les phrases

Récemment je n'ai pas lu beaucoup de premiers romans (c'est comme ça qu'on dit) qui en vaillent la chandelle. Mais j'ai lu Toni tout court, sorti l'hiver dernier aux éditions POL. C'est vite passé, un an. Et c'est vite oublié, un livre. Quelques semaines et puis s'en va — disparu des tables des libraires, remplacé par de nouvelles phrases, de nouveaux jeunes auteurs prometteurs. C'est vite oublié un livre, mais parfois quelque chose reste. Quand même.
Toni tout court me revient par bribes. Ses phrases comme de petits éclairs de poche. Son courant alternatif. Son acidité. Sa ductilité. Toni tout court est écrit avec grâce, avec humour, avec panache. Chacune des phrases qui le composent semble innervée de la sensibilité à fleur de peau de sa narratrice, (qui sait ?) de son autrice. Ouvrez-le n'importe où : vous y trouverez toujours quelque chose à vous mettre sous la dent. Un gimmick tonitruant. Une poussière dans la syntaxe. Un double contact dans la grammaire. Un petit quelque chose dans cette prose visqueuse dont on se pourlèche les doigts. Je crois que le dosage dut ressembler à cela, peu ou prou : 30 % de légèreté, 70 % de mélancolie. Et planant sur tout cela, une ombre trop difficile à nommer pour que je m'y essaie.

Un jour, sur les tables des librairies, sous son élégante couverture blanche aux rayures secrètes, viendra un autre livre de Shane Haddad. Je ne suis pas pressé. Mais les phrases les phrases d'avance me font saliver.