Un livre qui t’embrassera jusqu’à l’embrasement.
Le premier chapitre m'avait vraiment déplu. Son rythme haché, constitué uniquement de phrases courtes me paraissait artificiel, clichéique et sans intérêt. Le personnage du petit malfrat me faisait penser à un vieux film français avec Belmondo : un personnage ridicule, désuet, une intrigue miteuse...
J'étais à deux doigts de tout jeter pour aller me faire un Nesbo quand arriva Montale, flic à la dérive, amoureux de femmes impossibles, de Marseille et des poètes pour écoliers buissonniers, Homère en tête.
Il y a une vraie poésie, rude et âpre, dans cette enquête, des bouffées de lyrisme comme des exhalaisons de fenouil sur un loup braisé, une poésie qui n’est pas celle des bas-fonds comme on le lit ça et là, mais qui est celle des hommes libres. Et Montale, même flic, même tiraillé entre son sens de l’honneur et son devoir envers la justice, est un homme libre qui n’estime aucun principe sacré et indéboulonnable.
Alors oui, il y a du folklore un peu facile. Le cabanon aux Goudes, les « filets d’huile d’olive », OK. Oui il y a une enquête qui n’est pas aussi machiavélique que le Bonhomme de neige de Nesbo… Mais, ce que l’intrigue perd en virtuosité, elle le gagne en réalisme et en émotion. Le viol d’une jeune Leïla par trois pauvres connards de racistes m’a été infiniment plus douloureux à lire et à supporter que les prouesses chirurgicales du tueur en série norvégien (à base de carotte à la place du nez si vous voyez pas de quoi je parle…)
Ce mélange de réalisme cru, ces états des lieux justes et évidents sur les banlieues marseillaises dont on entend tant parler de nos jours, sur la montée du racisme dans la métropole méditerranéenne, sur la laideur de la Canebière actuelle… Tout cela sent la noblesse d’âme de celui qui écrit pour témoigner de son amour, de ses peurs, de sa volonté de faire vivre à nouveau, de faire renaître pour qu’elle brille à nouveau la Marseille millénaire, creuset d’origines et d’errances.
Enfin, pour convaincre les derniers hésitants, j’ajouterai que tout au long des pérégrinations de l’inspecteur, l’auteur nous fait découvrir toute une culture métissée qui colle à sa vision de la cité marine. Du jazz, toujours bien choisi, des poètes méconnus en plus d’Homère, des couplets d’I.A.M., d’où est tiré le titre, Total Kheops, synonyme de bordel, brun, dawa. Le zbeul quoi.
Un livre qui t’embrassera jusqu’à l’embrasement.