Ce livre signé Léna Situations écrase Guy Debord, Clouscard, Lukacs et Michéa. Cela va sans dire.
Les malheurs ont ceci de commun avec les oies, qu'ils vont en troupe. Il reste vrai que d'ordinaire il nous suffit d'une bonne nuit lacrymale à l'intérieur de laquelle on ne cesse de vaticiner jusqu'à notre prochaine ruine pour que tout aille mieux. Mais notre Sibylle situationniste a fait son choix : se transcender dans la souffrance.
Elle est la conflagration de Youtube, le poème immobile dans un quietisme éternel, la quintessenciée d'un drame toujours angoissant, céans dans cette société où la volonté de dilection persiste tant bien que mal, comme une bougie flamboie les clameurs exécrables de l'obscurité.
Une chose me chaut particulièrement ici-bas : la faculté de chacun à souffrir. Les désolations et la terreur de la gloire étaient ambiantes chez Léna, à tel point qu'elle a écrit son livre avec sa sueur et son sang. Et plus particulièrement le sang du pauvre.
Elle peut se révéler l’instigatrice de conflit absurde, il ne reste pas moins qu'elle garde en son âme une conscience de la douleur. Elle le prouve lorsqu'elle fait l'usage de la dialectique hégélienne afin de distinguer le rapport de force des oppresseurs sur les oppressés. Cette nomenclature se constitue de manière pyramidale et son acmé porte en triomphe les « populaires » jusqu'aux « cassos » qui se situent en bas de cet étrange système. Pour absurde que ce soit, il lui a suffi d'une semi-page pour manifester les enjeux et problématiques des rapports de classe, là où il a fallu pour Marx un babillage incessant en hégélianisme et phraséologies germaniques desquelles on aurait franchement pu s'en passer.
La Reine des reines, agonisante de langueur et éperonnée au plus profond de son cœur, nous convie à sa bénignité : « À vous, peuple triste, soyez heureux d'exister et demeurez souriant de vos accomplissements. »
Ce livre est magique car vulnéraire, et il en faut dans cette époque où on se meurt comme une défroque sur le paillasson de nos embûches.
Il est une façon de stupre aux yeux des gens, et en même temps de les consoler, il nous parvient de manière prophylactique en s'opposant à notre neurasthénie. En définitive, ce livre magique résulte de la sérénité consécutive à une liquidation générale de nos âmes et dont son affusion se fluctue en repentir lustral.