L’avenir de hier n’est pas si funky
J’ai lu Tous à Zanzibar et je suis bien embêté parce qu’il y a beaucoup de choses à en dire et que sa préface, lisible ici : http://www.quarante-deux.org/archives/klein/prefaces/lp27180.html, fait déjà du très bon boulot à ce sujet. Je conseillerais plutôt de la lire après le roman, mais un petit survol peut malgré tout en donner une idée générale. John Brunner a écrit ce livre en 1966 et fait tenir son action en 2010. L’important ici est que l’auteur n’a pas voulu faire rêver le lecteur à coup d’extraterrestres ou de physique quantique, mais plutôt imaginer l’avenir tel qu’il aurait pu être. Pour citer la préface, « l’avenir décrit par Brunner est en continuité directe avec son présent. » Evidemment, ce 2010 est sensiblement différent de celui que nous avons vécu mais certains de ses traits s’apparentent tout de même à de beaux éclairs visionnaires.
Résumons à la louche : dans ce 2010 fictif, dominé par des médias omniprésents et une surpopulation galopante combattue par des législations eugéniques drastiques, une puissante multinationale américaine envisage d’investir dans un petit pays africain, les Etats-Unis sont en guerre avec un pays du Pacifique, et faire tout péter dans la rue est devenu chose commune. Au milieu de tout ça, un sociologue porté disparu continue de vivre à travers ses critiques acérées de la société, lues par des milliers de gens, et un ordinateur n’est pas loin d’accéder à la conscience. L’histoire principale mêle en fait assez classiquement des enjeux (géo)politiques (avec quelques surprises venant d’un livre écrit en 1966), financiers et un zeste de science-fiction (l’ordinateur quasiment doué de conscience constituant le nœud du roman, avec la génétique). A vrai dire, c’est surtout son style et sa construction qui donnent à Tous à Zanzibar un cachet particulier et qui font qu’il mérite vraiment qu’on s’y attarde. En effet, là où certains passages font avancer l’intrigue normalement, d’autres balancent au lecteur du contexte brut (des extraits de livres, de reportages ou encore de la publicité) sans plus d’explication, et c’est au lecteur d’en tirer les conclusions adéquates. C’est là que le livre est à la fois le plus déroutant et le plus passionnant.
Disons au final que ce n’est pas un livre facile. Son histoire, assez dense, prend du temps à démarrer et s’y retrouver s’avère parfois compliqué. Toutefois, on se prend vite au jeu de détecter les prédictions les plus ou moins pertinentes, sans parler des oublis par rapport à la réalité. Il n’y a finalement pas tant d’auteurs que ça qui, à l’époque, se sont attelés à décrire précisément la décennie actuelle. D’ailleurs, c’est peut-être le moment ou jamais de le lire car la comparaison ne sera plus jamais aussi amusante à faire.
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