Encore une fois, je ne résiste pas à l'envie d'écrire une critique (éloge) portant sur le travail de Wajdi Mouawad. Celle-ci portera sur la représentation de la pièce que j'ai vu début novembre et dont je suis ressortie, comme d'habitude, dans une sorte de flou... Cette sensation quand une oeuvre ne veut pas quitter l'esprit, quand la fiction nous captive encore et se confond avec la réalité, quand on arrive pas à suivre une conversation car nos pensées sont encore là-bas. C'est bien connu, on ne ressort pas indemne de ses pièces coups de poing. J'étais réticente à l'idée d'assister à 4 heures de spectacle mais finalement, quand le rideau s'est baissé, je suis restée perplexe, sans voir le temps défiler.


En parallèle de nos deux Roméo et Juliette contemporains, cette pièce évoque des conflits politiques, familiaux et religieux toujours d'actualité. Il aborde le thème central de l'identité et de ses injonctions, le thème de la filiation et des origines face au devoir de mémoire et à l'oubli :


Sur combien de générations la culpabilité du survivant après Auschwitz se transmet-elle ? Comment survivre et construire son identité face à l'histoire de ses origines ? Peut on devenir et aimer son pire ennemi? Et pour citer Wahida : " Faut-il à ce point s’attacher à nos identités perdues ? Qu’est-ce qu’une vie entre deux mondes ? Qu’est-ce qu’un migrant ? Qu’est-ce qu’un réfugié ? Qu’est-ce qu’un mutant ?"


Il questionne donc également le rapport que les hommes ont face à l'altérité, à la vérité, à la violence du monde grâce à ce conte tragique, chargé d'espoirs, de leçons à saisir sur la tolérance, la réconciliation. Quatre langues sont parlées dans la pièce qui est sur-sous-titrée en permanence. Cela déroute au départ mais on se rend finalement compte qu'on ne perçoit plus leur différence. Leur individualité (ces fameux chromosomes) ressort et le langage prend une dimension universelle : La tour de Babel ne tient plus. Tels des oiseaux, nous volons au dessus des ages et des continents.


Les comédiens sont incroyablement justes et intenses, transcendants, changent de personnalité en un claquement de doigt. Ils nous touchent et nous font rire, car oui, on rit aussi pour prendre une pause, une respiration avant que le bruit des bombes nous fasse sursauter. C'est une immersion dans l'horreur qui a aussi sa part de légèreté, de traits d'esprit.


Et je demeure admirative de l'écriture de Wajdi Mouawad qui est si belle, pleine de poésie, de profondeur, d'humanité...

IsaureMercier
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le 21 déc. 2018

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Isaure Mercier

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