Tout, tout de suite par Lo-Lo
Un livre prenant à lire dévoré en quelques jours.
Sous couvert du récit romancé, l'auteur donne sa version, peut être journalistique, peut être à moitié inventée et re-interprétée (on ne sait pas vraiment) de l'affaire qui a défrayée la chronique du nommé par la presse "gang des barbares".
L'histoire est immersive, l'angle du récit choisi de présenter les actes et l'environnement des différents protagonistes, essentiellement les bourreaux. On s'essaye à se mettre dans la tête de chacun pour s'efforcer de comprendre les méandre du drame et l'enchainement d'actes qui a conduit à l'issue fatale de cette prise d'otage qui a émue la France entière en 2006.
Le point fort du récit est sa facilité de lecture et l'intention de coller objectivement aux faits. On est dedans et on récolte le déroulé progressif des événements. Beaucoup de détails sont apportés et le récit est très complet.
Ce n'est jamais vraiment explicité mais, au vu de la façon d'écrire et à la tournure du récit, l'auteur semble s'être basé soit sur des interviews d'un certain nombre de protagonistes soit sur éléments de l'enquête.
Cette foule de détails, au plus près du factuel, permettent de retracer les semaines de l'affaire et donnent tout son intérêt au roman.
Ce récit très intéressant comporte néanmoins un certain nombre de défauts pas bloquants mais rabaissant, à mon sens, sensiblement l'oeuvre. En premier lieu, malgré la facilité de lecture, je n'ai pas trouvé l'ensemble vraiment bien écrit. Il y a beaucoup de redites dans les petits détails souvent insignifiants qui finissent par agacer, faisant un effet copiers/collés hatifs de paragraphes ou de négligence à la relecture finale.
Plus agaçant, l'auteur affiche un prisme à son écriture très communautariste et réducteur à chacun des personnages. Chacun est introduit par son age, sa profession mais surtout son origine ethnique et sa religion ainsi qu'affublé systématiquement d'un sobriquet de pseudo argot de banlieue ("X est un pur jambon-beurre", "Y un gaulois pure souche) . Est-il vraiment nécessaire qu'absolument chacune des personnes évoquées soient présentés comme, par exemple, "gaulois catholique non pratiquant" ou "catholique converti musulman"? Chacun se trouve donc essentiellement qualifié et réduit, comme si c'était la seule explication de tout, par son origine et sa confession.
Sous couvert de prétendue objectivité initiale et de récit qui se borne uniquement aux faits, l'auteur semble souffrir d'un syndrome de Tourette moral compulsif. Une foule de petites phrases de jugements moraux totalement subjectifs semblent lui échapper ponctuellement. 99% du récit est bien composé de faits, réels où extrapolés. Le 1% restant, au détour de petites phrases irritantes quasi subliminales et d'anecdotes ou de bas-de-page, nous ramène dans la sensibilité de l'auteur et sa façon d'interpréter les choses au point qu'on finit par avoir l'impression d'être orienté ou de se retrouver sur une discussion de comptoir.
Dernier point négatif, le récit minore la plupart du temps les actes de chacun des futurs accusés. Ceci doit venir de la source des informations de l'auteur, peut être des interviews des intéressés qui minimisent implicitement leur role très souvent. A part le cerveau de l'affaire, aucun n'est vraiment foncièrement coupable, méchant ou pleinement responsable. Chacun a effectivement mal agit mais presque tous "du bout des lèvres",par inconscience ou par crainte, c'est assez dur à avaler pour l'ensemble au vu des peines de prison finalement prononcées. L'avantage est que l'on évite un récit à charge contre les coupables pour autant, on se trouve un peu loin du verdict et des responsabilités établies au procès.
Malgré ces défauts manifestes, l'auteur évite les pièges tant de la complaisance que de la charge absolue ainsi que les lieux communs, de la bien pensance, du sensationnalisme et des interprétations émotives, c'est bien le plus important. Quoiqu'il le camoufle, il livre bien un récit emprunt de subjectivité (mais qui serait pleinement froid et objectif face à une telle affaire ?) mais présentant une foule d'informations et un récit plausible de ce qu'ont pu être les événements réels.
Un certain nombre de points diffère des informations que l'on peut trouver par ailleurs, faisant que ce livre ne peut être pris comme une source suffisante et pleinement fiable pour se faire une idée des événements. Pour autant le travail est si important qu'il s'agit surement d'une pierre à l'édifice à la compréhension de cette histoire malheureusement bien réelle et plus proche de nous que les qualificatifs de gang et de barbarisme affublés par les médias le ferait croire.
Au delà de la dureté des faits et l'inhumanité profonde et malsaine du sujet, l'auteur arrive à produire une oeuvre choc que l'on peut lire sans crainte de voyeurisme et c'est là un point important. A lire pour qui veut approfondir ce fait divers marquant.
A voir l'interprétation qu'en fait le film de Richard Berry