Pas facile d'avoir Roy comme patronyme quand on est une romancière indienne. Moins connue que sa consœur Arundhati, Anuradha mérite pourtant bien que l'on s'intéresse à elle, mais cela, les lecteurs de L'Atlas de l'impossible, son premier livre, ne l'ignorent pas. Toutes ces vies jamais vécues, son quatrième roman, sans être une œuvre fleuve, est un ouvrage dense et intense comme la littérature indienne nous en offre souvent, avec ici beaucoup de niveaux de lecture : historique, féministe, filial. L'histoire commence quand Mychkine, un homme déjà âgé, reçoit un certain nombre de lettres de sa mère adressées autrefois à une amie. Cette mère qui l'a quitté enfant et qu'il n'a jamais revue ni su ce qu'elle était véritablement devenue. Le contenu de ces missives, Anuradha Roy ne nous le révélera qu"au 2/3 du livre (suspense) après avoir lancé la machines aux souvenirs du vieil homme. Une grande partie du livre se déroule donc en Inde, près de l'Himalaya, dans un pays agité par un fort désir d'indépendance. Au moment du départ de la mère,, la deuxième guerre mondiale n'est plus très loin et va chambouler la vie des habitants de cette partie du monde et davantage encore les Indes Néerlandaises où la fuyarde s'est réfugiée (à Bali). Sans perdre de vue son intrigue et sa progression chronologique, mais sans en être prisonnière non plus, la romancière rend captivante la psychologie d'un enfant déboussolé par l'abandon et fin observateur de l'univers qui l'entoure. C'est le regard de l'homme pas loin du crépuscule de sa vie sur le garçon qu'il était qui est touchante mais le livre contient aussi une galerie de portraits très vivante au sein d'un tissu social précisément décrit. Et puis, bien sûr, il y a cette mère, symbole de femme libre et artiste dans une époque qui admettait encore moins qu'aujourd'hui qu'elle ne se plie pas aux contraintes et aux servitudes traditionnelles d'une femme mariée. A travers sa correspondance retrouvée, depuis Bali, son fils Mychkine et, par la même occasion, le lecteur découvriront une facette différente et anxieuse d'une femme qui a sacrifié beaucoup pour vivre sa vie et sa passion. Anuradha Roy nous laisse libre de juger si elle a fait le bon choix ou si le prix à payer était trop lourd.

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le 11 avr. 2020

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