Avant toute chose, un avertissement
A la télévision, Onfray peut parfois prendre la tête de celui qui agace. Un prof donneur de leçon, un monsieur "je sais tout" qui ne méprise pas mais ne se prive jamais d'injurier.
Extrait des toutes premières pages : "Je ne méprise pas les croyants. (une page plus loin) Le croyant, lui, naïf et niais, sait qu'il est immortel".
Première injure et ce n'est que le début...
Je formule le conseil suivant : ne lisez l'essai d'Onfray que si vous êtes aptes à passer sur ce type de phrase, qui à défaut d'être méprisante est pour le moins irrévérencieuse et peut offenser ^^
Goût et dégout font-ils une somme philosophique ?
Autre biais : une rapide analyse du champs lexical du livre (ne me croyez pas : prenez 2 pages au hasard...) met à jour l'utilisation foisonnante de déclinaisons de termes "violents" : haïr, mépriser, délirer, être hystérique, mutiler, asservir, folie, fascisme, soumettre... Jusqu'à les répéter dans la même phrase.
Le but de Michel Onfray n'est-il pas juste de créer dégoût et malaise ? Sommes-nous encore dans une démarche philosophique ?
Sur le fond
Premier mérite de l'auteur : nous faire assimiler à quel point nous sommes habitués et donc façonnés à vivre dans une culture religieuse.
A force d'exemples, il nous montre qu'il a été durant des siècles et il est toujours difficile de raisonner de manière "athéiste" que l'on soit Kant ou un contemporain du XXème siècle.
Cela commence par la difficulté de penser hors d'un ou plusieurs dieux, par pression sociale, folklore, rite initiatique ou tout simplement à cause de notre langage (qui façonne l'esprit, et réciproquement).
Second bénéfice : le livre est un bon outil pour les personnes qui dans leur parcours de vie souhaitent s'émanciper, prendre un temps de réflexion ou faire un pas de côté vis-à-vis de la religion.
Les arguments foisonnent et fournissent quantité de raisons d'aller dans ce sens.
La déconstruction des monothéismes
S'il fallait en faire une synthèse critique, je dirais que le livre n'est qu'un long monologue, facile à lire et qui vulgarise plutôt bien les limites des religions.
Mais, pour Onfray, "l'athéologie" vise uniquement à déconstruire les 3 religions monothéistes.
Une fois encore, sur le fond, les arguments de l'auteur sont intéressants, nombreux.
Mais pour moi, il déraille en s'enfermant dans des diatribes sans contrepartie.
Exemple : la Bible "haït" (sic) la femme. Vous trouverez moult citations relevées par l'auteur. Mais prend-il - l'espace d'une phrase - le temps de présenter une contre argumentation et de mentionner aussi que la Bible (ancien et nouveau testaments inclus) "chérit" la femme ? Non.
Autre exemple : l'argumentation est quasiment toujours scandée et répétée à base de convictions.Cela relève assez peu de l'ordre du raisonnement. Celui qu'on nous apprend en seconde : thèse, antithèse, synthèse. Dommage ! Car des "prophéties" d'Onfray se retrouvent citées par lui-même à contre emploi.
Exemple : la douleur qui - quand elle est prise en compte dans la médecine - devient l'apanage judéo chrétien ?! L'auteur est pris en flagrant de sophisme dans le texte :
- La médecine propose de traiter la douleur des patients,
- Le Vatican propose de traiter la douleur des patients,
- Donc la médecine suit le dogme du Vatican.
Waouh ! Embêtant pour un philosophe de confondre à ce point "caractéristique" et "relation de cause à effet" !!
Dans un contexte (critique datant d'avril 2021) où Onfray conteste le droit à l'Interruption Médicale de Grossesse (loi 2001 avec débat parlementaire d'actualité en 2021 - vérifiez par vous même à quel point il a menti), pourrait-on douter de son propre athéisme ? ^^
L'auteur se retrouve pris de fait dans le piège sur lequel il nous éclaire : "l'athéologie" n'existe pas par elle-même, se pose uniquement en "contre" et n'ouvre aucune perspective ou si peu.
Ce que vous ne trouverez pas
Vous ne trouverez finalement pas ce que j'ai attendu de cet essai.
Des ouvertures en guise de réponse aux questions :
- qu'est ce qu'être athée ?
- peut-on être athée avec des valeurs (d'origines) judéo-chrétiennes ?
- Quel pourrait être le socle de valeurs de l'athéisme ?
Las, Onfray n'y répond pas.
Ce n'est donc pas un ouvrage philosophique car il n'en possède pas la définition même : sur un thème donné, poser une question et y apporter une réponse.
En synthèse :
- le livre présente quantité de sources de réflexion sur les 3 religions monothéistes.
- l'ouvrage n'est pas philosophique.
- c'est un document à charge sans contrepartie (comme l'est le "Crépuscule d'une idole" du même auteur, continuation du "livre noir de la psychanalyse").