Ce livre est une perle, un discours plein de bon sens et intemporel, applicable à chaque moment de notre existence. Au-delà de l'importance de la “tactique“ de l'escrime, Miyamoto Musashi donnait dès la fin du seizième siècle un ensemble de préceptes dégagés de toute idéologie ou fanatisme, facile à appliquer et surtout faciles à comprendre. Aucune métaphore cosmique ne vient troubler l'écriture de l'auteur, le but étant une compréhension rapide de l'essence du texte pour pouvoir l'intégrer dans sa propre spécialité. Ce qui explique qu'aujourd'hui ce livre soit un des fondements de la littérature classique Japonaise, avec "Les dialogues dans le Rêve" du Boudhisme et le Kojiki du Shintoïsme.
Le traité des cinq roues rappelle donc avec simplicité et avec une écriture directe et épurée toutes les petites choses anodines qui nous détournent de l'efficacité dans nos tâches quotidiennes ou nos relations avec les autres au sens large du terme.
On la retrouve par exemple dans le fait de s'intéresser à toutes les techniques disponibles dans son métier, pour contourner efficacement un problème et aller droit au but. Plutôt que de buter comme un âne parce qu'on n'a pas eu la curiosité ou le bon sens de regarder autour de soi. On la retrouve encore dans le fait qu'il faut d'abord prendre le temps d'étudier correctement une situation avant de s'y lancer tête baisser. Ça à l'air évident, et pourtant... Qui ne l'a pas déjà oublié ? Ce sont ici des exemples généraux, polyvalents. Sans prosélytisme, sans prédication ou racolage de bas étage. Juste un fil conducteur bien pensé.
Mais je crois que l'exemple qui m'a le plus remué est celui-ci, je cite :
"En toutes choses, tant que l'on n'est pas en harmonie avec les rythmes, on tergiverse sur rapidité et lenteur. Lorsque l'on est devenu expert en toutes les voies, on ne semble pas rapide aux yeux des autres. Par exemple, on appelle "Bons marcheurs" ceux qui peuvent parcourir 160 à 200 km par jour, mais cela ne veut pas dire qu'ils courent vite du matin au soir. Bien que les non-experts aient l'air de courir toute la journée, leur rendement n'est pas grand."
Seizième siècle.
Aujourd'hui quand on entend certains Américains nous traiter de bons à rien parce qu'on ne travaille "que" 35 heures par semaine, et pas 80 heures, ça me fait sourire. Surtout quand on voit ce que le capitalisme a causé comme dégâts dans tous les domaines. Et sur un autre sujet, ces préceptes résonnent avec une force particulière quand on voit comment l'idéologie conservatrice et fanatique a détruit le Japon de l'intérieur. Aujourd'hui plus que jamais, le Japon est ingouvernable, avec ses lobbys a demi-mafieux, ses entreprises tentaculaires et ses différents ministres coincés dans des traditions inextricables. Le fiasco de Fukushima en est l'exemple le plus médiatisé.
Il est important de voir également que Miyamoto Musashi prônait surtout le respect de la vie et l'efficacité en toute chose. En cas de situation périlleuse comme en étant au repos, il faut chercher à réussir, pas seulement essayer. Et par tout les moyens possibles. Rester à l'écoute. C'est un fighting spirit avant l'âge finalement. J'y vois un savoureux anachronisme et un pied de nez assez marrant avec le culte de la personnalité Américaine, vu le passif avec le Japon.
Et Musashi insiste en dernier lieu sur le respect et l'intérêt de la différence. Cette différence qu'il faut savoir comprendre et intégrer pour mieux s'en servir à son tour. Sa capacité d'adaptation est donc vraiment intéressante aussi bien dans que hors contexte. Surtout à une époque où le Japon s'enfonçait dans le repli sur soi et l'intégrisme, ça fait quand même réfléchir. Et particulièrement quand on parle du Hagakure en comparaison.
J'ai donc hâte de lire le Hagakure pour pouvoir faire une comparaison efficace, mais je retiendrai surtout de ce livre qu'il est très facile à lire, ne comporte aucune métaphore ou allégorie vaseuse et est surtout un condensé de bon sens et d'intelligence. Tellement surprenant pour l'époque, et tellement nécessaire à NOTRE époque, où l'europe sombre de nouveau vers l'intolérance, le repli sur soi et la xénophobie.