Autant l’avouer en préambule, Trames n’est pas le roman le plus réussi de Iain M. Banks, surtout si l’on s’en tient aux récits appartenant au cycle de la Culture. Pour autant, cela ne fait pas de ce livre un ratage complet, n’est pas Banks qui veut et le talent du monsieur étant définitivement hors-norme, un roman raté de l’écrivain écossais mérite tout de même d’être lu, ne serait-ce que pour la démesure de l’univers et la maîtrise dont fait preuve son créateur.
Pour rappel, Trames se déroule dans l’univers de la Culture, société pan-galactique incroyablement avancée dans laquelle l’hédonisme a été élevé au rang d’art de vivre. La Culture n’est pas une société hiérarchisée, machines intelligentes, humanoïdes et autres races peuplant la galaxie y cohabitent en harmonie, délaissant les affaires courantes et la gestion politique à des intelligences artificielles (appelées mentaux) pour se consacrer au développement personnel, aux loisirs et de manière générale aux plaisirs de la vie. Mais à cette facette séduisante et lumineuse correspond une facette plus sombre, représentée par la section Contact et son bras armé, Circonstances spéciales, chargés d’espionner les systèmes et les civilisations qui ne font pas partie de la Culture ; pour faire simple, disons qu’il s’agit ni plus ni moins que des barbouzes qui effectuent le sale boulot. Bien que tolérante et en théorie bienveillante, la Culture sait également protéger ses intérêts, par la violence s’il le faut.
Une fois de plus (c’est une constante chez Banks), Trames se déroule en marge de la Culture, sur le monde gigogne de Sursamen, un monde artificiel composé de globes enchâssés sur plusieurs niveaux construit il y a plusieurs milliers d’années par une race aujourd’hui disparue, les Involucrae. Peu de choses nous sont parvenues des Involucrae, pas davantage de leurs ennemis les Ilnes, qui s’étaient donné comme objectif de détruire tous les mondes gigognes. De cette lointaine époque n’ont survécu que les Xinthiens, des êtres gigantesques et mythiques, que les différents peuples des mondes gigogne ont élevés au rang de dieux. Quel était l’objectif de la construction de ces mondes gigognes, quel rôle les Xinthien ont-ils joué, pour quelles raisons ces êtres mythiques demeurent désormais inaccessibles ? Autant de questions qui sont sans réponses et qui le resteront puisque Iain M. Banks n’y apporte aucune résolution à la fin de son roman. Vous êtes ainsi prévenus. Sursamen est un monde situé dans une zone de la galaxie dirigée par une confédération extraterrestre presque aussi puissante que la Culture, les Morthanveldes, qui s’interdisent également d’intervenir dans les affaires des peuples moins développés. Hors plusieurs races se disputent le contrôle des différents niveaux de Sursamen, au huitième et au neuvième niveaux, les Sarles et les Deldeynes se livrent une guerre dévastatrice depuis des temps immémoriaux, mais grâce à l’aide officieuse des Octes, une race nettement plus développée sur le plan technologique, les Sarles sont sur le point de remporter cette guerre. Mais à l’issue d’une victoire éclatante, le roi des Sarles, Hausk, est assassiné sous les yeux de son fils Ferbin par son plus fidèle général, Tyl Loesp. Ferbin prend donc la fuite en compagnie de son serviteur, laissant le royaume, ainsi que son plus jeune frère, aux mains de l’infâme traître. Le jeune prince cherche dans un premier temps de soutien des civilisations plus puissantes avant finalement de rejoindre sa soeur, Anaplian, partie il y a quinze ans rejoindre la Culture au sein de Circonstances spéciales.
Les lecteurs familiers de la Culture prendront dans ce roman ce qu’il y a à prendre et découvriront avec délice une nouvelle facette de l’univers de Iain M. Banks, mais la friandise est hélas dans l’ensemble un peu décevante. La faute à une narration quelque peu bancale. Le roman aurait gagné à être retravaillé et élagué pour gagner en dynamisme et maintenir le lecteur en éveil sur la durée, car en dépit des fulgurances qui émaillent le récit, et malgré toute la richesse de son univers, Trames apparaît comme un roman un peu boursouflé. Les descriptions sont parfois interminables et les digressions bien trop nombreuses. L’emballement des cent dernières pages ne change d’ailleurs rien à l’affaire. On peut regretter en outre que de nombreux éléments du récit restent sans réponse à la fin du roman, car si ce joyeux foisonnement d’idées est enthousiasmant on aurait aimé percevoir la cohérence de l’ensemble de manière un peu plus précise.