Transparence est ce que je nommerais un "roman de fausse anticipation" ou bien un "faux roman d'anticipation". Car c'est avant tout de notre société actuelle que Marc Dugain parle ici. Une société du "tout numérique", avec ses travers et ses dangers potentiels. Plus qu'à un monde futuriste, c'est à notre propre univers, celui dans lequel nous évoluons et vivons au quotidien, que l'auteur nous ramène et nous renvoie constamment. Et c'est là, sans aucun doute, la principale force de l'ouvrage, son atout majeur : sous le couvert d'une intrigue futuriste on découvre une critique inquiète, satirique et plutôt acerbe de notre société contemporaine. L'auteur interroge notre présent. L'avenir n'est qu'un prétexte. L'essentiel n'est pas là.
Le monde du futur n'est d'ailleurs qu'à peine esquissé, très peu décrit. Ceci explique sans doute cela. La remarque d'un éditeur imaginaire, tirée du très important épilogue, pourrait résumer cet aspect, tout en l'éclairant :
[...] les lecteurs en général [ont] le goût de la proximité et de la
ressemblance plus que des fresques d'anticipation.
Dugain situe historiquement l'action en 2068. Tout un symbole ! Il s'agit bien d'une nouvelle révolution, mais d'un autre ordre cette fois : plus technologique que sociale, même si les deux aspects sont évidemment très étroitement liés.
La faiblesse du roman réside avant tout dans son style, souvent lourd et empesé. La lecture est parfois difficile, voire un peu ardue, rêche en quelque sorte. On butte régulièrement sur de longues phrases dont le verbe est rejeté tout à la fin. On se sent alors obligé de les relire depuis le début parce qu'on s'est perdu en chemin. La fluidité du récit en pâtit. Ou bien alors on passe à la suite avec quelques regrets, mêlés d'agacement, par manque de compréhension.
Bien que ce roman ait un peu déçu mes attentes, je recommande néanmoins fortement sa lecture car il vaut par l'acuité du regard et du questionnement que porte l'auteur sur notre "existence numérique".