Plus qu'un recueil de nouvelles, l'œuvre constitue un roman selon moi.
Quoiqu'il en soit, Tristes complaintes est à coup sûr un ouvrage atypique.
Dans la forme, il se présente en effet comme un ensemble d'histoires qui se succèdent les unes aux autres.
Dans les faits, les chroniques s'entremêlent car les personnages, les situations et les objets reviennent de manière récurrente à travers le fil des pages.
Jusqu'à la mise en abîme finale.
Pris dans son ensemble, l'ouvrage fait donc plutôt penser à un roman qu'à un simple assemblage de nouvelles.
Pour tenter un parallèle au cinéma, on se referra à Short cuts, Magnolia ou encore aux films de Jim Jarmush tels que Mystery Train, Coffee and Cigarettes ou Night on Earth.
Les nouvelles ne se contentent donc pas de se passer un simple relai à travers un détail qui renvoie à une autre histoire.
Elles prolongent et renforcent le sujet majeur : la relation avec la mort.
Pas vraiment celle qui attriste. Yoko Ogawa a en effet la particularité de rarement mettre à jour les émotions de manière explicite.
Elle préfère suggérer les sentiments à travers :
- des ambiances des lieux et situations,
- des actes des protagonistes.
Ici la mort enferme.
Dans sa douleur, son incapacité à rebondir.
La mort subjugue également.
Et l'auteure se plait à reproduire les trajectoires des bourreaux autant que celles des victimes. Qui - tous - ont succombé à la même fascination ou assujetissement.
L'enfermement, la meurtrissure du corps et de l'âme, le fétichisme.
Les 3 thèmes favoris de l'écrivaine réunis en un tourbillon de circonstances décrites de manière suggestive et subtile.
En un mot : un chef d'œuvre.