En première lecture, j'étais resté étranger à ce livre, à sa beauté noire et désespérée. Peu coutumier de la littérature japonaise (ma connaissance de l'âme japonaise se limitant à ma lecture de mangas, certes variée mais forcément partielle en matière de compréhension d'une civilisation) j'avais beaucoup de difficulté à m'habituer à tous les non-dits que Kawabata installe au cours du roman. Mais tout comme pour La Mort à Venise de Thomas Mann, j'ai décidé de retenter l'expérience avec la certitude que tout était de ma faute dans mon désintérêt pour ce livre. Et c'était totalement vrai.

Enfin prêt à faire les efforts de concentration et d'ouverture d'esprit nécessaires pour me laisser pénétrer par ce livre j'ai été séduit d'abord par la beauté de la langue. Kawabata distille avec une grande maitrise des descriptions aussi bien de sensations que de paysages ou d'éléments d'architecture ou de nature qui laissent des traces, vous imprègnent et colorent son roman d'une sombre mélancolie.

En jouant habilement sur les relations complexes entre les différents personnages, Kawabata construit un labyrinthe sensoriel, dans lequel les personnages se rencontrent, se perdent, se cherchent. Il y a ceux qui se souviennent d'un passé qui peut-être ne fut pas. Ceux qui n'ont jamais connu ce passé mais qui sont hantés par ce qu'ils en savent ou croient savoir. Et ceux qui voudraient pouvoir oublier. Chacun semble porté au gré des petits tremblements ou des séismes dont la relation d'Oki et d'Otoko constitue l'épicentre. Personne, pas même la vénéneuse Keiko, n'est en mesure de se réconcilier avec ses souvenirs, ses rancœurs, ses haines, et ses désirs.

Il ne reste alors pour le lecteur, que la tristesse et la beauté de ce roman d'amours terribles.

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le 13 juil. 2023

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RunningJack

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