Dialogues avec un jardinier.
Après Trois mille chevaux vapeurs, voici Trois chevaux !
Mais en matière de lettres, on aurait tort de se fier aux seuls chiffres.
D'abord parce qu'en dépit de la proximité des titres nous ne sommes pas du tout dans le même registre et ensuite parce qu'en dépit de son modeste attelage chevalin, ce roman de l'italien Erri de Luca est un bijou de grande qualité. Une poignée de perles serties avec soin dans un beau collier de prose.
De poésie même, devrait-on dire tant est belle la plume du napolitain.
Une plume avec laquelle il peint les choses ordinaires ou mieux, ce que laissent deviner les choses ordinaires.
Comme la simple pause déjeuner au café du coin ...
[...] Je mets la soupe entre moi et le livre posé contre le demi-litre. [...] Je mange. La cuillère est amie de la lecture, elle pêche même toute seule dans l'assiette. La fourchette demande plus d'attention.
Quelques moments de la vie d'un homme simple (appelé d'ailleurs L'homme par un ami).
Un jardinier. Un ancien émigré parti en Argentine et qui est revenu de la dictature un peu meurtri forcément. Erri de Luca a toujours été engagé politiquement.
Dans ce petit livre , l'auteur évoquera également les Balkans (qu'il a connus), en quelques mots terribles.
[...] Tout autour les champs sont immobiles, les mines attendent les pas. Comment grandissent les enfants avec tant de terre interdite autour d'eux ? [...]
Il répond que les femmes attachent les enfants quand elles doivent sortir et les laisser seuls.
En dépit de ce décor géopolitique un peu sombre, l'histoire est lumineuse. Celle d'un homme ordinaire, simple jardinier. Evidemment on ne peut que songer à la sage maxime chinoise qui veut que :
Cultiver son jardin et ses légumes pour subvenir à ses besoins quotidiens, voilà ce qu'on appelle la politique des simples.
Un être simple (et c'est pas écrit par un parisien) mais entier et humain, dont on ne saura même pas le nom mais dont on apprendra tant de choses. Et qui nous fera faire quelques belles rencontres. Un ami ou deux, un africain ou deux, et quelques femmes. De très beaux et respectueux portraits de femmes.
La prose (ou la poésie) de Erri de Luca n'est pas vraiment épurée. Au contraire, chaque mot est choisi, chaque phrase est ciselée (longuement sans doute) parfois jusqu'à l'excès.
Ce travail d'orfèvre nous vaut quelques perles scintillantes. De la magie pure qui nous laisse pantois.
Mais parfois aussi, l'artisan nous livre quelques pièces trop ouvragées qui déparent la vitrine. Ce sont les risques du métier et l'orfèvre Erri de Luca n'hésite pas à prendre quelques risques.
On pense à d'autres plumes plus légères : Maxence Fermine (un savoyard), Alessandro Baricco (encore un italien). Et John Fante même parfois (encore un autre).
Ce petit roman aurait gagné à être un peu allégé tant finissent par peser les effets de sieur Luca. Mais ne boudons pas le plaisir de goûter à de la belle ouvrage venue du sud italien. On tient là une belle histoire d'amour.
Pour celles et ceux qui aiment les arbres et les fleurs.
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