"Trois fois la fin du monde", c'est l'histoire d'un jeune type traumatisé par la prison.
Un roman bref et intense d'une rare finesse psychologique, à l'écriture concise et poétique, qui soulève à chaque étape des questionnements sur l'altérité, l'ordre, la propriété, le besoin de faire société, la liberté, le vide, la mémoire...
Joseph Kamal se retrouve incarcéré après avoir filé un coup de main à son frère sur un braquage qui a mal tourné. Pas bien futé mais pas bien méchant, il se retrouve d'emblée confronté à la violence de l'univers carcéral pour lequel, bon sang, il n'était pas prêt (mais qui l'est ?). La violence physique (les tabassages en règle, par les matons comme par les codétenus, la loi du plus fort, la privation de liberté physique...), mais aussi la violence psychologique. Et la première fin du monde est là : alors qu'il a vu disparaitre le monde qu'il connaissait, alors qu'il ne lui reste littéralement rien, Joseph se prend, à la vitesse d'une claque dans la gueule, cette rupture brutale et totale de la confiance qu'il pensait pouvoir porter aux institutions. Quand nos droits sont bafoués sciemment par les institutions, le contrat social est rompu.
Alors quand survient la 2e fin du monde, l'apocalypse nucléaire, Joseph Kamal ne peut se résoudre à retourner à la civilisation, vers les zones épargnées. Traumatisé désormais par tout ce qui incarne l'ordre répressif, il choisit de vivre en fugitif dans un petit village abandonné au fin fond du Lot. Et c'est là qu'il va progressivement reprendre vie, comme une plante qu'on croyait morte. La fuite se transforme en renaissance. Joseph s'adapte, s'organise, cultive son potager, apprivoise avec un émerveillement bouleversant un mouton noir, puis une chatte. L'écriture de ces scènes est poignante. Joseph Kamal trouve là les amis, les compagnons dont le besoin était devenu fondamental.
L'auteure ne nous berce pourtant pas de manichéisme, et ne passe pas sous silence les moments difficiles : la solitude, bien sûr, la dépression, les sentiments contradictoires entre le refus et le besoin de compagnie, la fatigue physique, les vivres qui s'épuisent, la cruelle scène de l'aigle...
Bien sûr, l'idylle ne pouvait durer.
Inévitable, la 3e fin du monde m'a anéantie avec lui.