En fait, Pierre Lemaitre n'est pas un écrivain, c'est un scénariste. Voilà ce que je me suis dit en refermant ce livre. Et paf, en saisissant le titre pour le trouver dans SC je m'aperçois que ce Trois jours et une vie a déjà été adapté au cinéma ! Comme Au revoir là haut, comme Cadres noirs.
Car Lemaitre a un vrai talent : celui d'imaginer des intrigues avec retournements de situation, effets de surprise, de ceux qui vous tiennent en haleine. C'est pourquoi je l'aime en auteur de polar : Cadres noirs ou Robe de marié m'avaient enthousiasmé.
Plus un livre est littéraire, moins il se prête à l'adaptation cinématographique. On le comprend aisément car la littérature, c'est vous faire entrer dans un monde à partir d'une madeleine qu'on trempe dans une tasse de thé. Creuser l'événement le plus banal pour en faire une aventure. A l'inverse, un récit peu littéraire mais bien ficelé est parfait pour le cinéma.
C'est le cas ici : l'écriture est vraiment médiocre, plus encore que dans ses autres livres. Une plume de SC a émis l'idée que ce serait un vieux manuscrit ressorti après le Goncourt. Il faut le souhaiter, sinon c'est que notre romancier régresse.
Mais même du point de vue de l'intrigue, ce n'est pas le meilleur des Lemaitre, loin s'en faut. La première partie au village ne passionne pas toujours, la faute notamment à des personnages assez clichés. Ce qui est bien quand même, c'est d'avoir utilisé la grande tempête de 1999 pour servir l'intrigue : c'est elle qui met Antoine à l'abri. Bien aimé aussi le crime, qui apparaît comme un débordement de colère presque anodin. Je crois en effet qu'on peut tuer de cette façon, en étant abasourdi de son acte, presque la faute à pas de chance.
Lemaitre nous fait partager ensuite les craintes et remords de notre jeune meurtrier. Bon, autant prévenir tout de suite, si la trame est proche on est très très loin de Crime et châtiment.
Dans la deuxième partie, Antoine adulte en 2011 puis 2015, Lemaitre insère plus de rebondissements, passionne donc davantage : le bois de St-Eustache qu'on transforme en parc d'attraction, le coma de la mère, le silence du médecin qui semble avoir deviné, Emilie enceinte ce qui finit par rejoindre l'intrigue, Kowalowski enfin, que je n'avais pas vu venir... Et puis, ça c'est intelligent, il y a cette montre dont on se doute qu'elle va resurgir à un moment ou à un autre. Elle maintient bien le suspense.
L'écriture ne s'est pas améliorée pour autant, et les personnages sont toujours aussi caricaturaux : la jolie fille qui n'a rien dans le ciboulot (mais quel cul !... il y a toujours un fond rance de machisme chez Lemaitre), le fils du maire arrogant, les voisins cathos raides comme un coup de trique...
Résultat : ça se lit bien mais ça s'oublie encore mieux. L'inverse d'une oeuvre littéraire en somme.
6,5